L'influence des bactéries intestinales sur certaines maladies

A comparative study of the gut microbiota in immune-mediated inflammatory diseases-does a common dysbiosis exist? Forbes JD*, Chen CY*, Knox NC*, Marrie RA, El-Gabalawy H, de Kievit T, Alfa M, Bernstein CN, Van Domselaar G*. Microbiome 2018 Dec 13; 6(1):221. doi: https://doi.org/10.1186/s40168-018-0603-4

 

 

Cet article scientifique décrit une publication collaborative sur le microbiote intestinal et sa relation avec les maladies inflammatoires à médiation immunitaire (MIMI). L’utilisation combinée du séquençage de génome moderne et de l’apprentissage machine illustre comment les technologies avancées peuvent générer des renseignements qui aideront à mieux comprendre et aborder les problèmes de santé sur le plan clinique et du point de vue de la santé publique.

Que savait-on de ce domaine avant vos travaux et quel est le motif de cette recherche ?

La polyarthrite rhumatoïde, la sclérose en plaques et les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI), comme la maladie de Crohn et la colite ulcéreuse, sont des exemples courants de maladies inflammatoires à médiation immunitaire (MIMI). Les MIMI font intervenir des voies inflammatoires communes, mais semblent autrement non reliées et n’ont pas de cause connue. On pense que le microbiome humain, à savoir la communauté microbienne qu’héberge le corps humain, joue un rôle important dans la santé et la maladie et influence les fonctions hormonales, métaboliques et immunologiques humaines. Des variations de la composition du microbiome intestinal humain peuvent avoir des répercussions sur la santé. De tels changements ont été observés chez des patients atteints de MICI, mais on ignore si ce phénomène (appelé dysbiose) est une cause ou une conséquence de la maladie. Certaines études montrent désormais une association entre une dysbiose du microbiome intestinal et d’autres MIMI que la MICI. Ces observations soulèvent une question : y a-t-il un élément de la composition du microbiome intestinal qui soit commun à certaines ou à l’ensemble des MIMI? Pour y répondre, nous avons réalisé une étude pilote qui faisait appel au séquençage d’amplicons du gène codant l’ARN ribosomique 16S. Un algorithme d’apprentissage machine a servi à comparer entre eux les microbiotes intestinaux de personnes atteintes de la maladie de Crohn, de colite ulcéreuse, de sclérose en plaques et de polyarthrite rhumatoïde, ainsi qu’à les comparer à ceux de sujets en santé.

Quels sont les résultats les plus importants de vos travaux ?

Au moyen d’analyses de l’abondance différentielle et de l’apprentissage machine (deux méthodes d’analyse distinctes mais complémentaires), nous avons relevé plusieurs différences significatives entre les taxons bactériens qui composent le microbiote intestinal des patients atteints de MIMI et celui des sujets en santé. Plus précisément, nous avons constaté que dans toutes nos cohortes de sujets malades, analysées globalement comme un seul groupe, il y avait une abondance significativement supérieure des genres Actinomyces, Eggerthella, Clostridium III, Faecalicoccus et Streptococcus en comparaison des sujets en santé. Du point de vue de la santé publique, l’abondance accrue d’espèces dont la pathogénicité est établie ou, à l’opposé, la diminution d’espèces qui confèrent des avantages précis pour la santé de l’hôte pourraient ouvrir la voie à de nouvelles options thérapeutiques. Cette observation rejoint les conclusions d’autres études sur la communauté microbienne intestinale qui ont établi un lien entre le microbiome intestinal et des MIMI précises. Par ailleurs, nous avons déterminé que plusieurs taxons bactériens permettent de discerner les MIMI entre elles et les sujets malades des sujets en santé. Fait intéressant, parmi toutes les MIMI étudiées, la colite ulcéreuse et la maladie de Crohn affichaient le plus grand écart en ce qui concerne la structure du microbiote intestinal, même si ces maladies touchent essentiellement l’appareil digestif. Cette constatation donne à penser que malgré leur similitude clinique apparente, la colite ulcéreuse et la maladie de Crohn sont deux maladies distinctes. Enfin, les données épidémiologiques semblent indiquer que les personnes atteintes d’une MICI ont un risque accru de développer une autre MIMI, comme la sclérose en plaques ou la polyarthrite rhumatoïde. La dysbiose que nous avons couramment observée dans les profils du microbiote pourrait concourir à ce phénomène.

Quelles sont les répercussions de la recherche ?

Même si des travaux antérieurs ont permis d’établir un lien entre la dysbiose du microbiome intestinal et des MIMI précises, notre étude est la première à analyser collectivement plusieurs MIMI en vue de trouver des points communs ou des différences dans les profils des communautés microbiennes intestinales. Malgré la taille restreinte de nos cohortes (environ 20 patients par maladie), nos résultats sont significatifs et compatibles avec ceux décrits dans les publications scientifiques qui rendent compte d’études ciblées du microbiome en fonction de MIMI particulières. En outre, la corroboration des résultats obtenus grâce à nos méthodes d’analyse indépendante vient renforcer et étayer la validité de nos observations. Les taxons bactériens que nous avons cernés pourraient servir de biomarqueurs pour le diagnostic non effractif des MIMI, et ils pourraient aider à déterminer la gravité de la maladie, la réponse au traitement ou l’intervention thérapeutique, si les recherches à venir confirment le rôle étiologique de ces taxons dans la survenue des MIMI.

Autres références importantes :