Survivre à la chaleur : les répercussions du « dôme de chaleur » dans l’Ouest canadien en 2021

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Les Britanno-Colombiens n’oublieront pas l’été 2021 de sitôt. Ce que nous appelons maintenant le dôme de chaleur de l’Ouest est le phénomène météorologique le plus meurtrier au Canada à ce jour. En fait, le Bureau du coroner de la Colombie-Britannique a confirmé qu’il y a eu 619 décès liés à la chaleur pendant que le dôme de chaleur sévissait, soit du 25 juin au 1er juillet.

Pendant cette période, les températures dans l’Ouest canadien ont été jusqu’à 20 °C supérieurs à la normale, avec plus de 103 records de chaleur enregistrés par les provinces, y compris la température la plus élevée jamais mesurée au Canada à Lytton, en Colombie-Britannique (49,6 °C le 29 juin 2021). Le jour suivant, un feu de forêt a ravagé toute la ville de Lytton.

« Ce fut une véritable catastrophe et nous compatissons avec ceux qui ont perdu leur domicile. Pourtant, il y a tellement de choses que nous pouvons apprendre de cet événement en particulier », explique Melissa Gorman, conseillère scientifique à Santé Canada. « Nous cherchons à savoir pourquoi les gens sont morts et à trouver ce que nous pouvons faire à l’avenir pour éviter ce genre de situation. »

La chaleur accablante est la principale cause de maladie et de décès attribuables aux risques liés aux conditions météorologiques au Canada. On prévoit qu’avec les changements climatiques, la fréquence, la gravité et la durée des épisodes de chaleur intense continueront d’augmenter au Canada. Mme Gorman fait partie d’une équipe qui porte une attention particulière à ces phénomènes et qui cherche des moyens de protéger les personnes qui sont les plus susceptibles d’en subir les effets.

Sarah Henderson, directrice scientifique des services de santé environnementale au British Columbia Centre for Disease Control (BCCDC), confirme qu’il y a eu une augmentation de 100 % des décès chez les adultes de 50 ans ou plus pendant le dôme de chaleur. Bon nombre des personnes décédées souffraient de maladies chroniques, surtout de schizophrénie, de dépression, de troubles liés à la consommation de substances, de diabète, de maladies cardiaques et de maladies respiratoires.

Les analyses de Mme Henderson ont également révélé que la grande majorité des décès se sont produits à l’intérieur du domicile des gens, bien qu’il y ait également eu quelques décès dans les hôpitaux et les établissements de soins de longue durée. « Les gens ne meurent pas parce qu’il fait chaud à l’extérieur, mais parce qu’il fait chaud à l’intérieur ». En outre, elle a constaté que les décès à domicile étaient concentrés dans les quartiers défavorisés où il y a peu d’espaces verts environnants.

La chaleur à l’intérieur d’une maison sans climatisation peut s’accumuler chaque jour alors qu’il fait de plus en plus chaud à l’extérieur.

Apprentissage par l’expérience

Santé Canada collabore avec les provinces et les territoires pour gérer les risques liés à la chaleur accablante en leur fournissant des conseils, des ressources et du soutien. Les provinces et les territoires sont ainsi en mesure d’appliquer les mesures appropriées pour protéger leurs populations contre la chaleur accablante.

Depuis le dôme de chaleur de l’Ouest, les chercheurs travaillent d’arrache-pied pour se préparer à affronter la prochaine occurrence. Emily Tetzlaff, étudiante au doctorat à l’Unité de recherche en physiologie humaine et environnementale de l’Université d’Ottawa et étudiante affiliée à Santé Canada, examine la couverture médiatique du phénomène pour mieux comprendre les divers effets du dôme de chaleur sur la santé humaine, l’environnement et l’économie au Canada.

Mme Tetzlaff cherche à comprendre si les messages de santé publique ont bien atteint les bonnes personnes, aux bons endroits et au bon moment. Elle étudie également la façon dont les médias présentent les fortes chaleurs, par écrit et en images.

« Il peut y avoir des informations qui se contredisent. Le dôme de chaleur était un épisode dangereux, mais certains médias ont tendance à présenter la situation de manière positive à travers des images, par exemple un jeune assis sur une plage et sirotant une boisson. Ces images font oublier la menace réelle que représente la chaleur », précise Mme Tetzlaff.

Les médias ont dépeint la chaleur extrême sous diverses formes, tant positives que négatives.
Les médias ont dépeint la chaleur extrême sous diverses formes, tant positives que négatives.

Les médias ont dépeint la chaleur extrême sous diverses formes, tant positives que négatives. Emily Tetzlaff examine le rôle de l’imagerie dans les messages de santé publique transmis par les médias.

Les chercheurs veulent également savoir comment les alertes météorologiques émises par Environnement et Changement climatique Canada ont été relayées par les médias et qui a été désigné comme expert. Il sera ainsi possible de comprendre comment les gens obtiennent les informations dont ils ont besoin pour rester en sécurité, et à qui ils font le plus confiance.

« Certaines de nos conclusions sont vraiment concrètes. Nous comprendrons mieux vers qui les gens se tournent pour obtenir des informations sur les effets de la chaleur sur la santé, et nous serons mieux à même de communiquer les connaissances scientifiques au public. Nous pourrions être surpris de ce que nous découvrirons! En fin de compte, nous espérons que cette série d’études pourra nous aider à nous préparer et à renforcer notre résilience face aux épisodes de chaleur accablante », a ajouté Mme Tetzlaff.

Les résultats de cette analyse sont attendus dans le courant de l’année et serviront à orienter les politiques et programmes futurs dans ce domaine.

Protection contre la chaleur

Des chercheurs pensent que les espaces verts peuvent protéger des effets de la chaleur excessive. « Nous savons que les arbres à maturité peuvent nous aider à nous protéger de la chaleur intense. Dans les faits, une augmentation de 5 % de la canopée d’arbres dans un rayon de 100 mètres a diminué d’environ 10 % le risque de décès pendant le dôme de chaleur », explique Mme Henderson.

Avec le réchauffement climatique, nous pouvons nous attendre à ce qu’il continue d’y avoir des épisodes de chaleur extrême partout au Canada. Cet été, le BCCDC met à l’essai un nouveau système qui fait la différence entre un avertissement de chaleur et une urgence de chaleur extrême. Il étudie les meilleurs moyens de veiller à ce que le public comprenne la distinction entre ces deux types de manifestations et agisse en conséquence.

Le BCCDC met également en place des mécanismes pour atteindre les personnes les plus à risque, qui sont peut-être moins susceptibles de tenir compte des conseils de santé publique. Il travaille avec un large éventail de partenaires locaux pour aider à mieux protéger les personnes les plus vulnérables jusque dans leur domicile. Le nouveau système d’alerte et d’intervention en cas de chaleur extrême de la Colombie-Britannique (BC HARS) prévoit également l’utilisation éventuelle d’un système de diffusion d’alertes intrusives en cas d’urgence liée à la chaleur extrême.

« Nous pouvons tirer des leçons de l’épisode de chaleur en Colombie-Britannique pour mettre à jour nos outils et les messages que nous partageons avec les autres provinces et territoires afin qu’ils soient mieux préparés aux futurs épisodes de chaleur et, ultimement, qu’ils protègent mieux les personnes vivant au Canada », conclut Mme Gorman.

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