Les arguments scientifiques en faveur d'une action climatique urgente sont irréfutables. Le sixième rapport d'évaluation du GIEC intitulé Climate Change 2021: The Physical Science Basis (Changement climatique 2021 : les éléments scientifiques) montre, sans l'ombre d'un doute, que l'activité humaine a réchauffé les océans, l'atmosphère, la terre et que la planète est aujourd'hui 1,09°C plus chaude qu'au début de l'ère industrielle. Le niveau de la mer monte, tandis que les phénomènes météorologiques extrêmes et leurs répercussions, comme les vagues de chaleur, précipitations excessives, feux de forêt, inondations et sécheresses sont à la fois plus intenses et plus fréquentes. La modélisation du climat indique que chaque augmentation fractionnaire du réchauffement augmentera ces effets et que tous les pays sont vulnérables.
Les données scientifiques les plus récentes nous rappellent qu'il est encore possible de limiter le réchauffement à 1,5°C d'ici à la fin du siècle, mais seulement à condition de réduire radicalement les émissions mondiales à l'horizon 2030 et si nous atteignons le net zéro aux alentours de 2050 sur la base des cibles définies par les Contributions déterminées au niveau national. La stabilisation du climat limiterait l'élévation du niveau de la mer et la probabilité de l'occurrence de phénomènes météorologiques extrêmes. Elle améliorerait les perspectives de prospérité, tout en protégeant les êtres humains et les écosystèmes naturels. Elle exige une action rapide, urgente et soutenue, mais aussi des transformations majeures de comportement, socioéconomiques et technologiques à l'échelle planétaire. Elles doivent commencer par l'augmentation proportionnelle et le déploiement rapides d'un large éventail de solutions technologiques existantes et novatrices.
La réussite des efforts d'atténuation des changements climatiques dépend aussi d'une intense collaboration internationale dans les domaines de la recherche et de l'innovation, afin de mettre au point et de concrétiser de nouvelles solutions dans tous les secteurs de l'économie mondiale. L'amélioration des méthodes de création, de stockage et d'utilisation de l'énergie à faibles émissions est un besoin urgent, qui doit notamment passer par l'amélioration des semi-conducteurs, des batteries et de la production de carburants à faibles émissions, parallèlement aux travaux à entreprendre sur les méthodes de chauffage et de refroidissement, le captage et le stockage du carbone. L'agriculture, l'industrie, le bâtiment et les transports devront également trouver des méthodes plus efficaces, innovantes et respectueuses de l'environnement. Les travaux doivent se poursuivre pour nous permettre de mieux comprendre les interactions entre la biodiversité, les écosystèmes et les changements climatiques, pour stopper la perte de biodiversité dont souffre le monde naturel et maximiser sa capacité de stockage du carbone. Les mesures doivent être pratiques et axées sur les personnes, afin que les transitions mondiales puissent être rapides, efficaces, équitables, respectueuses, abordables et inclusives. Certes, elles nécessiteront des investissements, mais des avantages immédiats et des progrès vers les objectifs de développement durable des Nations Unies sont réalisables, notamment pour améliorer la qualité de l'air, la santé humaine, la sécurité énergétique et les opportunités économiques. À long terme, le prix de l'inaction surpasserait largement celui de l'action.
Et en parallèle, l'adaptation aux conséquences des changements climatiques est primordiale. Même à 1,5°C, leurs effets sur les systèmes essentiels comme le logement, les transports, les soins de santé, l'approvisionnement alimentaire et en eau sont inévitables et impacteront surtout les populations déjà vulnérables. Les efforts d'adaptation déployés aujourd'huicontribueront à assurer la sûreté, la sécurité et la prospérité continues de nos communautés et de nos industries. Ils nécessitent un soutien continu à la recherche fondamentale visant à produire des modèles climatiques précis et opportuns aux niveaux local, national et international. Ils exigent également une recherche et une innovation de grande envergure pour approfondir la compréhension des impacts humains, politiques, environnementaux et économiques des changements climatiques et permettre la création de plans et d'actions dirigés localement, pour contrer ou faire face à ces impacts.
En novembre de cette année, les Parties à la CCNUCC se réuniront à Glasgow à l'occasion de la COP26. Nous demandons à leurs chercheurs, aux leaders de l'industrie, aux décideurs et aux dirigeants politiques de collaborer avec les communautés pour :
élaborer des stratégies ambitieuses à long terme fondées sur des données scientifiques probantes, illustrant les efforts mis en oeuvre pour entretenir l'espoir de limiter le réchauffement de la planète à 1,5°C. Ces stratégies doivent :
- mettre l'accent sur les politiques et exigences technologiques, socioéconomiques et financières pour tester et développer au cours de la prochaine décennie, les solutions de décarbonisation existantes susceptibles de nous permettre d'atteindre les objectifs à court terme et les Contributions déterminées à l'échelle nationale, tout en maintenant à notre portée le seuil de 1,5°C ;
- inclure des plans pour accélérer le développement et le déploiement des solutions de décarbonisation de prochaine génération qui pour l'instant ne sont ni abordables, ni efficaces, ni disponibles ;
- prévoir des voies d'évolution claires pour atteindre les cibles de réduction des émissions, des politiques sectorielles détaillées, des bilans réguliers des progrès accomplis et être mises à jour au besoin pour refléter les progrès scientifiques et technologiques ;
- favoriser les transitions justes pour les secteurs et les communautés dans divers contextes, tout en reflétant les rôles et les choix de tous les acteurs et parties prenantes participant à la transition verte.
accroître la collaboration internationale pour accélérer la recherche, le développement, la démonstration et le déploiement de solutions efficaces d'atténuation et d'adaptation. Ces solutions doivent :
- miser sur les initiatives internationales existantes et les renforcer ;
- être axées sur les résultats en prévoyant des examens réguliers des progrès et appuyées par un financement et une dotation en personnel appropriés ;
- faciliter le partage d'expertise, de connaissances autochtones et de données, créant une base de données probantes susceptible d'aider tous les pays à déployer les solutions d'atténuation et d'adaptation existantes en tenant compte des exigences locales, éclairées par les opinions des personnes vulnérables et marginalisées.
établir des programmes visant à renforcer les capacités mondiales de recherche et d'innovation. Ces programmes doivent :
- tirer parti de la gamme d'initiatives existantes pour harmoniser et accroître la capacité de recherche et d'innovation en soutenant la participation directe et l'accès à l'innovation, tous niveaux et tous secteurs confondus ;
- être soutenus par des cadres financiers et des systèmes de transfert de technologie efficaces ;
- promouvoir un plus grand recours aux données probantes dans la prise de décisions et soutenir le développement d'innovations efficaces, évolutives, abordables et inclusives.
Signé :
Professeur Paulo Artaxo
Professeur de physique environnementale, Institut de physique, Université de São Paulo, Brésil
Membre du GIEC
Professeure Ekanem Braide FAS
Présidente, L'Académie des sciences du Nigeria
Dr. Asha Dookun-Saumtally
Vice-présidente, Académie mauricienne des sciences et de la technologie
Professeur Jerzy Duszynski
Président, Académie polonaise des sciences
Professeure Rajaâ Cherkaoui EL MOURSI
Membre de l'Académie Hassan II des Sciences et de la Technologie, Maroc
Vice-présidente du conseil d'administration du Réseau des académies africaines
Dr. Xavier Estico
Directeur général, Direction de la Science, de la technologie et de l'innovation Ministère de l'Investissement, de l'Entreprenariat et de l'Industrie des Seychelles
Professeur Mark W. J. Ferguson
Directeur général de la Fondation pour la science – Irlande
Conseiller scientifique en chef du gouvernement irlandais
Dr. Cathy Foley
Scientifique en chef de l'Australie
Professeure Dame Juliet A. Gerrard DNZM Hon FRSC FRSNZ
Conseillère scientifique en chef du premier ministre de la Nouvelle-Zélande
Kaitohutohu Mtanga Ptaiao Matua ki te Pirimia
Professor Pascal O. Girot
Directeur, École de Géogrpahie, Université de Costa Rica
Professeure Nicole Grobert
Présidente du groupe des conseillers scientifiques principaux de la Commission européenne
Dr. Saleemul Huq
Directeur, Centre international pour le changement climatique et le développement
Université indépendante du Bangladesh
Professeur Johan Kuylenstierna
Professeur associé et conseiller principal du président,
Université de Stockholm
Président, Conseil du climat, Suède
Dr. Eric S. Lander
Conseiller scientifique du président des États-Unis d'Amérique et directeur du bureau de la politique scientifique et technologique
Professeur Jürg Luterbacher
Scientifique en chef, Organisation météorologique mondiale
Professeur Ishmael Masesane Ph.D, FRSC
Président, Académie des sciences du Botswana
Professeur Arturo Menchaca-Rocha
Coordinateur général, Consejo Consultivo de Ciencias (CCC), México
Professeur Modesto Montoya
Conseiller du président en matière de sciences, Pérou
Professeur Desamanya Mohan Munasinghe
Vice-président du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du changement climatique
Président, Commission présidentielle d'experts sur Vision Durable 2030 du Sri Lanka
Leonardo Muñoz
Chef de la science et du gouvernement, Ministère de la Science, de la Technologie, de la Connaissance et de l'Innovation, Chili
Professeur Antonio Navarra
Professeur titulaire, Météorologie et océanographie
Université de Bologne, Italie
Président, Fondazione Centro EuroMediterraneo sui cambiamenti Climatici (CMCC)
Dr. Mona Nemer, C.M., C.Q., FRSC, FCIC
Conseillère scientifique en chef du Canada
Chief Science Advisor of Canada
Professeur Walter O. Oyawa
Directeur général/Chef de la direction
Commission nationale pour la science, la technologie et l'innovation, Kenya
Professeur Costas N. Papanicolas
Président de l'Institut de Chypre
Conseiller du président de la République de Chypre et Envoyé spécial pour le changement climatique
Professeur Rafael Radi, MD, Ph.D
Directeur, Centro de Investigaciones Biomédicas,
Universidad de la República, Uruguay
Président, Academia Nacional de Ciencias del Uruguay
Dr. Victor A. Ramos
Président de l'Académie nationale des sciences exactes, physiques et naturelles d'Argentine
Professeur Filipe Duarte Santos
Président, Conseil national de l'environnement et du développement durable, Portugal
Professeure Himla Soodyall
Directrice générale de l'Académie des sciences d'Afrique du Sud
Professeur Tarmo Soomere
Président de Académie estonienne des sciences
Président du Forum des conseillers scientifiques européens
Professeur Marcel Tanner
Président des Académies suisses des sciences
Marianne Thyrring
Directrice générale, Institut météorologique danois
Professeur Ion Tiginyanu
Président de l'Académie des sciences de Moldavie
Sir Patrick Vallance
Conseiller scientifique en chef du Gouvernement britannique
Professeur K. VijayRaghavan
Conseiller scientifique principal du gouvernement de l'Inde
Dr. Jose Ramon Villarin SJ Ph.D
Directeur, Observatoire de Manille, Philippines
Dr. Takahiro UEYAMA
Membre exécutif à temps plein, Conseil japonais pour la la science, la technologie et l'innovation
Professeur Kavwanga E.S. Yambayamba, Ph.D, FZaAS, FAIZ, JP
Président, Académie des sciences de Zambie
Professeur Han Woong Yeom
Vice-président, Conseil consultatif présidentiel sur la science et la technologie, République de Corée