Colloque de l’Acfas : Des approches diverses et inclusives de publication en libre accès

Notes d’allocution

Mona Nemer
Conseillère scientifique en chef du Canada

Colloque de l’Acfas : Des approches diverses et inclusives de publication en libre accès

12 mai 2022

La version prononcée fait foi


J’aimerais d’abord remercier l’Acfas et les organisatrices de ce colloque pour l’opportunité de participer à ce panel avec mes illustres collègues.

J’aimerais ensuite reconnaître la participation de Mme Liette Vasseur, présidente de la Commission canadienne pour l’UNESCO, à titre de présidente d’honneur du colloque. Vous verrez qu’une partie de mon intervention est inspirée de la recommandation de l’UNESCO sur la science ouverte, adoptée en novembre 2021. La science a toujours été internationale et cet aspect a pris de plus en plus d’importance au cours des dernières décennies.

Pensons aux grands projets de physique et leurs infrastructures, au séquençage du génome humain, ou au développement de plusieurs médicaments.

Pensons à ce que nous avons été en mesure d’accomplir dans le cadre de la pandémie de la COVID-19. La coopération entre les scientifiques de toute la planète a permis dans un temps record de comprendre le virus et ses manifestations, ses impacts sur les populations, et à développer des solutions comme des vaccins.

Grace à cette coopération scientifique à l’échelle planétaire, notre capacité collective à faire avancer les connaissances est démultipliée.

Cette globalisation nous amène souvent à utiliser une langue d’échange commune : l’anglais.

Face à cette domination de l’anglais dans l’édition scientifique, et reconnaissant la valeur de la diversité des cultures et des systèmes de connaissances du monde entier, la recommandation de l’UNESCO sur la science ouverte, adoptée en novembre 2021, invite les États à encourager notamment le multilinguisme dans la pratique de la science, dans les publications scientifiques, et dans les communications universitaires.

Il est donc important de promouvoir, chez nous et ailleurs dans la francophonie, l’usage du français dans la pratique de la science, dans la diffusion des résultats de la recherche ainsi que dans le dialogue entre la science et la société.

Lorsque l’on visite des laboratoires en France, en Allemagne, au Japon, en Italie, on constate que la vie du laboratoire se passe majoritairement dans la langue locale. C’est le cas aussi au Québec et au Canada.

Plusieurs autres pays pratiquent la science et l’enseigne en français. Et, les scientifiques issus de la francophonie contribuent à la diversité de la communauté scientifique à l’échelle globale.

D’où l’importance que leurs travaux soient largement accessibles à la communauté internationale et c’est ce que la science ouverte permet d’accomplir : Rendre accessible rapidement les résultats de la recherche au plus grand nombre d’individus et de groupes à défaut de quoi certains, mais pas d’autres, auront accès aux découvertes et avancées scientifiques.

Diffuser le savoir implique aussi un dialogue entre science et société.

Ce dialogue doit s’appuyer sur des études crédibles, sanctionnées par les pairs, et auxquelles la population a accès.

Au cours des deux dernières années, on a pu voir à quel point le grand public a un appétit pour ce dialogue avec les experts, afin de comprendre la science qui sous-tend les décisions publiques. Pour pouvoir répondre à ce besoin il faut des scientifiques francophones qui puissent parler au public, des médias qui traitent de la perspective scientifique en français et qui peuvent se référer à des données probantes et des publications accessibles.

Se donner les moyens d’obtenir du succès avec la science ouverte demande de bien comprendre les réalités disciplinaires ainsi que leur mode et dynamique de diffusion.

Ça demande aussi de réfléchir si le système actuel d’édition scientifique répond adéquatement au bouleversement du numérique, à l’importance croissante des banques de données (big data) dans de nombreux domaines, et à la réalité de la science au 21e siècle.

Ça demande encore de prendre acte des profonds bouleversements dans plusieurs secteurs et industries créatives où le model d’affaire a connu toute une transformation. On peut penser a l’édition ( livres, quotidiens, revues), aux médias, aux arts du spectacles, a la musique et j’en passe.

Plus de financement c’est toujours utile et spécialement en période de transition, mais le financement doit appuyer une stratégie sérieuse, ambitieuse et réaliste afin d’assurer la survie voir même l’essor de l’édition scientifique de façon pérenne. C’est la raison pour laquelle mon bureau, en collaboration avec un groupe représentant les acteurs du milieu a produit, en février 2020 une feuille de route pour la science ouverte au Canada.

Se « donner les moyens » demande aussi de se pencher sur les incitatifs en place pour valoriser la publication scientifique, incluant en français, ainsi que les modes d’évaluation des chercheurs par leurs paires, leurs institutions et les agences de financement. Se « donner les moyens » c’est aussi de favoriser la biblio-diversité. C’est-à-dire d’encourager la « déconcentration » de l’édition scientifique au profit de nouveaux modèles d’édition. C’est d’ailleurs un autre des éléments mis de l’avant par la recommandation sur la science ouverte de l’UNESCO.

Cela étant dit, nous ne sommes peut-être pas au bout de nos surprises car la diffusion de la science vit une révolution.

On voit des résultats scientifiques diffusés sur les réseaux sociaux.

La pratique de « pré-publication » qui était déjà bien implantée dans des domaines comme la physique atomique et l’astronomie s’est diffusée dans beaucoup d’autres domaines, notamment dans les sciences de la vie.

La traduction automatique réalisée grâce à l’intelligence artificielle fait des progrès importants et pourrait révolutionner la notion de la langue de diffusion.

Chose certaine, il est essentiel pour la vitalité de la science québécoise et canadienne de ne pas rester en marge des développements internationaux en matière de diffusion du savoir.

Des approches diverses et inclusives de publication en libre accès sont nécessaires pour assurer notre place à l’échelle mondiale et pour appuyer le dialogue entre science et société qui sera encore plus critique dans les années à venir.

Les chercheurs et leurs institutions ont déjà été consultés et de façon très majoritaire appuient ces ambitions. Il faut maintenant passer à l’action et on a tous un rôle à jouer pour assurer le succès de la transition.

Merci d’avoir organisé cette table ronde, j’ai hâte à la discussion.