Réunion du Comité SRSR : Science citoyenne

Notes d’allocution

Mme Mona Nemer
Conseillère scientifique en chef du Canada

Réunion du Comité SRSR : Science citoyenne

Ottawa (Ontario)
Le 2 février 2023

La version prononcée fait foi

 

Bonjour Madame la Présidente, Messieurs les Vice-présidents, et Mesdames et Messieurs, membres du Comité. Je vous remercie de me donner l’occasion de discuter avec vous de ce sujet important qui est d’actualité. Aujourd’hui, en tant que société, nous nous retrouvons à repenser nombre de nos systèmes et institutions mis à mal par les épreuves de ces trois dernières années. À l’avenir, nous devons considérer la science citoyenne comme partie intégrante de nos stratégies visant à autonomiser les gens et les communautés, à renforcer la confiance dans nos institutions et à pérenniser notre démocratie.

 

La science citoyenne, parfois appelée « recherche participative », est une approche collaborative de la recherche qui réunit des bénévoles du grand public et des professionnels. Elle s’applique à diverses disciplines, la valeur commune étant qu’elle ouvre la démarche scientifique à des personnes n’appartenant pas aux communautés professionnelles.

Au cours des dix dernières années, la science citoyenne a permis de réaliser des avancées dans plusieurs domaines, notamment l’espace, l’environnement, l’agriculture et la santé. Elle nous a permis de découvrir cinq nouvelles exoplanètes.Note de bas de page 1 Elle a permis, pour la première fois au moyen de l’externalisation ouverte, de recréer la structure d’une protéineNote de bas de page 2 largement utilisée en chimie de synthèse. Elle a permis de concevoir des moyens d’empêcher le virus de la COVID de pénétrer dans les cellules.Note de bas de page 3 Et elle a permis de découvrir des aspects entièrement nouveaux des aurores boréales et du champ magnétique de la Terre.Note de bas de page 4

Il est clair que la recherche participative peut être extrêmement utile à la science. Elle peut nous aider à répondre à nos besoins en matière de données, à soutenir la collaboration multidisciplinaire et à promouvoir les objectifs de la science ouverte en encourageant la participation du public. Mais elle peut également être extrêmement utile aux gens, aux communautés et à la société.

En ouvrant la science à des non-professionnels, nous pouvons renforcer la culture scientifique et aider le public à mieux comprendre les données utilisées pour élaborer les politiques. Nous pouvons également fournir aux gens les outils dont ils ont besoin pour repérer les fausses informations, y résister et prendre des décisions éclairées concernant leur vie et leur communauté.

Dans le monde entier, des pays et des autorités adoptent et soutiennent des initiatives de science citoyenne. L’Union européenneNote de bas de page 5 et les États-UnisNote de bas de page 6 financent actuellement de grands projets — en fait, les États-Unis disposent depuis 2017 de la Crowdsourcing and Citizen Science Act,Note de bas de page 7 qui vise à promouvoir l’innovation par une collaboration ouverte et volontaire. L’Australie a mis en place une association de science citoyenne.Note de bas de page 8 L’Allemagne a créé une plateforme centralisée et financée par le gouvernement fédéralNote de bas de page 9 pour la promouvoir. Les Pays-Bas ont mis en place un processus pour faciliter la contribution des citoyens et des scientifiques au programme de recherche néerlandais,Note de bas de page 10 et la Belgique a fait quelque choseNote de bas de page 11 de similaire.

Toutes ces initiatives sont très prometteuses et permettent de mettre les gens du monde entier en contact avec leur communauté et l’environnement, en plus de les exposer à la démarche scientifique et axée sur l’innovation. Au Canada, nous comptons quelques initiatives de science citoyenne, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du gouvernement, et elles produisent de grandes choses.

Le Portail fédéral science citoyenne répertorie actuellement 55 projets dans tout le pays, allant du projet Abeilles citoyennes,Note de bas de page 12 qui recueille des données sur les espèces pollinisatrices dans les régions agricoles du Québec, au jeu en ligne Colony BNote de bas de page 13 dans lequel les joueurs font croître et identifient divers amas de bactéries qui contribuent à la recherche sur le microbiome humain.

Au gouvernement fédéral, l’Agence de la santé publique mobilise les gens dans le cadre du programme ActionGrippe, Note de bas de page 14 une initiative où des bénévoles aident à surveiller la grippe et la COVID-19 au Canada. Pour sa part, Agriculture et Agroalimentaire Canada soutient le premier laboratoire vivant dirigé par des Autochtones au Canada, qui rassemble des agriculteurs, des peuples autochtones et des scientifiques afin de définir ce à quoi peut ressembler l’avenir des écosystèmes agricoles sains et durables.

Sur la lancée de ces projets, des collègues de Santé Canada dirigent une initiative multidisciplinaire et interministérielle qui s’inscrit dans le cinquième Plan d’action national du Canada pour un gouvernement ouvert. L’objectif est de promouvoir la science citoyenne grâce à un cadre qui soutient le renforcement des capacités ainsi que la gouvernance et l’infrastructure nécessaires.

À titre de pays, le Canada aurait intérêt à introduire la science citoyenne au plus tôt dans son système d’éducation. Il s’agit d’un moyen efficace pour sensibiliser et former les scientifiques de manière inclusive, ainsi que pour favoriser une plus grande participation. Cette approche serait également conforme à la recommandation formulée par les conseillers scientifiques du G7 en 2019, Note de bas de page 15 selon laquelle les pays doivent repenser leur enseignement scientifique et outiller les élèves et étudiants pour qu’ils soient en mesure plus tard de réaliser des recherches participatives ou professionnelles. Alors que le Comité mène son étude, j’invite les membres à ne pas perdre de vue qu’au cours des prochaines années, le Canada aura besoin d’un plus grand nombre de scientifiques et d’ingénieurs pour composer avec les exigences d’un monde en évolution, qu’il s’agisse de tirer parti des technologies émergentes, d’atténuer les effets des changements climatiques et de s’y adapter, ou encore de se préparer et de réagir aux crises sanitaires et autres urgences.

La mise en œuvre précoce de la science citoyenne pourrait permettre de répondre à certains de ces besoins urgents. En offrant un continuum d’apprentissage attrayant et intégré, fondé sur la diversité et l’inclusivité, nous aiderions les personnes les plus exposées à l’exclusion, à l’aliénation et au décrochage. Par la même occasion, nous contribuerions à renforcer la confiance dans nos systèmes et institutions démocratiques. Je suis convaincue qu’avec la participation active de la communauté scientifique canadienne, nous pouvons créer une démarche scientifique participative qui contribue à bâtir une société plus résiliente, mieux informée et plus prospère.