Le Programme du plateau continental polaire et l’essor de la recherche nordique

Table des matières


Message de la conseillère scientifique en chef

Le Canada est une nation arctique. Son vaste territoire arctique et subarctique revêt une importance économique, environnementale et géopolitique croissante. La recherche est un moyen pour le Canada d’affirmer pacifiquement sa souveraineté sur les régions les plus septentrionales, en particulier lorsque les populations locales et autochtones participent activement à cette recherche. Par conséquent, le Canada gagnerait à exercer un leadership mondial dans le domaine des sciences arctiques.

Le leadership canadien exige d’abord que nous menions les bonnes recherches, axées sur la recherche de solutions aux problèmes et aux défis ayant des répercussions locales et mondiales. Le leadership exige également que nous menions bien les recherches, ce qui suppose de faire participer les communautés locales, d’utiliser des outils et des infrastructures de pointe et de tenir compte des changements d’environnement et de l’évolution des technologies dans un contexte dynamique, social et culturel. Une approche nationale coordonnée permet à la recherche dans l’Arctique et les régions subarctiques d’améliorer le bien-être des communautés, de stimuler l’innovation technologique et de soutenir la diplomatie circumpolaire.

Le présent rapport fournit des perspectives sur ces questions dans la mesure où elles sont liées à l’optimisation du soutien logistique et du déploiement des ressources fournies par le Programme du plateau continental polaire (PPCP). Il s’appuie sur les observations et les délibérations d’un groupe d’experts scientifiques ainsi que sur des discussions et des échanges avec des conseillers scientifiques territoriaux et des représentants de l’Inuit Tapiriit Katanami. Le rapport traite expressément du PPCP, mais ses conclusions et recommandations sont pertinentes pour des aspects plus vastes de la recherche dans l’Arctique et les régions subarctiques.

Depuis plus de 60 ans, le gouvernement du Canada joue un rôle central dans le soutien à la recherche scientifique nordique. Dans les années à venir, il peut également jouer un rôle central en faisant du Canada un chef de file mondialement reconnu dans le domaine des sciences dans l’Arctique et les régions subarctiques.

 

Mona Nemer, C.M., C. Q., MSRC
Conseillère scientifique en chef du Canada

 

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Note sur les dénominations géographiques

Le secteur géographique concerné par le présent rapport est désigné par les termes « Arctique », « Subarctique » et « Nord ».

Les termes « Arctique » et « Subarctique » sont utilisés dans la mesure du possible pour désigner des zones qui correspondent à des régions écoclimatiques. D’une manière générale, l’Arctique est la région située au-dessus du cercle arctique, c’est-à-dire environ 66 degrés nord, et les régions subarctiques sont situées au-dessous du cercle arctique s’étendant au sud jusqu’à la ligne de pergélisol discontinu.

Le Nord désigne quant à lui une zone politique ou socioéconomique. Dans sa définition la plus restreinte, le Nord politique est composé des trois territoires situés au nord du 60e parallèle. La classification géographique type utilisée par Statistique Canada désigne le Nord socioéconomique, qui s’étend au-dessous du 60e parallèle et comprend des régions désignées dans les parties les plus septentrionales de certaines provinces.

 

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Introduction

Créé en 1958, le Programme du plateau continental polaire (PPCP) assure la coordination logistique et la planification des initiatives de recherche admissibles dans le Nord canadien. Depuis ses installations de Resolute Bay, le PPCP gère un réseau rayonnant autour de son centre (hub-and-spoke) de soutien qui s’étend sur l’ensemble de l’Arctique et des régions subarctiques du Canada. Le PPCP apporte un soutien direct à certains chercheurs des gouvernements fédéral et territoriaux, des universités et des organisations nordiques. Ses services vont de la logistique du transport aérien à l’accès aux laboratoires en passant par l’équipement de terrain spécialisé. Selon son énoncé de vision, le PPCP souhaite être reconnu, à l’échelle nationale et internationale, comme le centre d’excellence du Canada pour le soutien logistique, avec un fort accent sur la contribution au rendement des recherches scientifiques et l’exercice de la souveraineté dans le Nord canadien. Le présent rapport est principalement axé sur les activités du PPCP, mais les observations et les recommandations qu’il contient sont pertinentes pour l’ensemble du domaine de la recherche nordique au Canada.

Au cours des 20 dernières années, l’intérêt et les activités de recherche dans l’Arctique et les régions subarctiques se sont considérablement accrus au Canada, dans les pays arctiques et au-delà. L’expansion de l’activité scientifique dans l’Arctique et les régions subarctiques du Canada, qui est la bienvenue, offre au PPCP une occasion manifeste de contribuer à la mise en place d’une infrastructure de recherche et d’un réseau logistique de classe mondiale à l’appui de l’excellence de la recherche nordique.

Pour ce faire, il est essentiel de reconnaître qu’il y a eu un changement dans le paysage de la recherche dans lequel le PPCP a évolué jusqu’à maintenant. Il s’agit notamment de l’évolution des besoins en matière de recherche, des technologies habilitantes, de la diversité des intervenants, de l’évolution du contexte institutionnel et de la croissance de l’intérêt des communautés pour la recherche et de leur participation à la recherche. Pour relever des défis complexes tels que ceux soutenus par le PPCP, il faut également reconnaître et soutenir la recherche convergente qui réunit les sciences naturelles, les sciences de la vie et les sciences sociales au sein d’équipes dynamiques et pluridisciplinaires. Les collaborations avec les communautés et les organisations locales représentent les meilleures occasions de traduire la recherche en avantages sociétaux, notamment en renforçant les capacités scientifiques au sein des communautés nordiques. Le PPCP doit s’adapter à l’évolution des besoins et des changements pour demeurer pertinent et s’assurer qu’il répond à sa vision et à ses objectifs initiaux.

 

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Expansion observée et prévue de la recherche dans l’Arctique et les régions subarctiques

Les activités scientifiques liées à l’Arctique augmentent en termes absolus et relatifs. En utilisant le volume des publications scientifiques comme simple indicateur, on constate que l’activité scientifique liée à l’Arctique a été multipliée par 20 depuis 1970 (fig. 1). En outre, le volume relatif de la science arctique parmi toutes les activités scientifiques, indiqué par le pourcentage de publications liées à l’Arctique par rapport à l’ensemble des publications scientifiques, est passé de 0,4 % à 1 % depuis 1970. Ce ratio englobe la production mondiale de publications scientifiques, et non seulement les publications dont l’auteur est canadien.

Figure 1 – Les publications scientifiques sur l’Arctique progressent plus rapidement que le reste des publications scientifiques

Figure 1 – Les publications scientifiques sur l’Arctique progressent plus rapidement que le reste des publications scientifiques

En 2020, il y avait 20 fois plus de publications scientifiques sur l’Arctique qu’il y en avait en 1971. Depuis 2000 environ, le taux de croissance des publications relatives à l’Arctique a été deux fois plus élevé que celui de l’ensemble des publications. Ces résultats sont fondés sur le dénombrement des publications comportant le mot « Arctique » dans le titre ou le résumé de la base de données des publications de Dimension. Le nombre annuel normalisé de publications présenté dans la figure 1 est obtenu en divisant le nombre de publications d’une année donnée par le nombre de publications en 1971. Les publications relatives à l’Arctique et les publications totales depuis 1971 dans la base de données Dimensions s’élèvent respectivement à 2 164 et 584 943.

  • Figure 1 - Description textuelle

    Le graphique linéaire montre le nombre de publications scientifiques sur l'Arctique au fil du temps. L'axe X représente les années et l'axe Y le nombre annuel de publication normalisé par rapport à la production de 1971. Le graphique montre une augmentation constante du nombre de publications scientifiques sur l'Arctique entre 1971 et 2020. En 2020, il y avait 20 fois plus de publications scientifiques sur l’Arctique qu’il y en avait en 1971. Depuis 2000 environ, le taux de croissance des publications relatives à l’Arctique a été deux fois plus élevé que celui de l’ensemble des publications. Ces résultats sont fondés sur le dénombrement des publications comportant le mot « Arctique » dans le titre ou le résumé de la base de données des publications de Dimension. Le nombre annuel normalisé de publications présenté dans la figure 1 est obtenu en divisant le nombre de publications d’une année donnée par le nombre de publications en 1971. Les publications relatives à l’Arctique et les publications totales depuis 1971 dans la base de données Dimensions s’élèvent respectivement à 2 164 et 584 943.

 

Dans les années à venir, le volume des activités de recherche devrait continuer à augmenter en raison de l’accessibilité accrue, des occasions économiques, du lien entre l’Arctique et les processus climatiques mondiaux et de l’importance géopolitique croissante de la région. En 2020, il y a eu quatre fois plus de publications relatives à l’Arctique qu’en 2000. Si cette tendance se poursuit au cours des 20 prochaines années, la recherche nordique pourrait à elle seule être multipliée par huit d’ici 2040, ce qui nécessiterait une augmentation significative des capacités logistiques.

La communauté scientifique de l’Arctique et des régions subarctiques évolue également, que ce soit sur le plan de sa composition, de ses disciplines ou de ses axes de recherche. Le soutien à la recherche doit répondre aux besoins d’une base d’utilisateurs et d’un ensemble de projets de recherche plus diversifiés, et promouvoir davantage l’équité, la diversité et l’inclusion.

 

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Évolution des pratiques et nouveaux besoins en matière de recherche sur l’Arctique et les régions subarctiques

Les changements climatiques et la mondialisation ont été, et continueront d’être, les deux principaux moteurs des changements environnementaux, sociaux et économiques dans le Nord du Canada (Stephen 2018) et détermineront le programme de recherche. Compte tenu de l’impact global de l’Arctique sur le climat de la planète, les communautés arctiques locales et non arctiques s’intéressent de plus en plus à la compréhension de la région.

La réduction de l’étendue de la glace de mer dans l’océan Arctique entraîne à la fois des défis et des occasions. L’ouverture de la navigation maritime tout au long de l’année entraînera une augmentation de l’activité économique dans certains secteurs (par exemple, les ressources telles que le pétrole et le gaz, le transport maritime, le tourisme, la pêche et l’agriculture). Dans le même temps, la fonte du pergélisol a des répercussions sur les infrastructures communautaires et de transport, libère du méthane dont les effets sur le climat sont inconnus et pourrait exposer de nouveaux agents pathogènes et avoir un impact sur la santé humaine et la sécurité alimentaire des communautés locales. Ces évolutions s’inscrivent dans un contexte de tensions géopolitiques accrues, notamment entre les États-Unis, la Russie et la Chine, qui pourraient entraîner un regain d’intérêt militaire pour le Nord. Une plus grande attention économique et militaire pourrait générer des investissements susceptibles d’améliorer les télécommunications et les infrastructures énergétiques et de transport, ce qui pourrait à son tour favoriser les activités de recherche et de développement.

Ces défis et ces occasions suscitent un intérêt accru pour la réalisation de certains objectifs scientifiques et technologiques dans l’Arctique et les régions subarctiques, tels que l’amélioration des connaissances sur les aspects suivants :

  1. Écosystèmes terrestres, d’eau douce et marins du Nord dans le contexte des changements climatiques et sociaux.
  2. Liens entre le bien-être des communautés nordiques et la santé environnementale.
  3. Des solutions durables en matière d’énergie, de technologie et d’infrastructure pour les conditions environnementales, sociales et culturelles particulières du Nord.
  4. Le rôle du Nord dans le système mondial, par exemple le climat, la géopolitique.

L’exploitation de la science pour atteindre ces objectifs favorise une réorientation de l’éventail des disciplines de la recherche dans l’Arctique. Toutes les disciplines n’évoluent pas de la même manière pour aborder ces thèmes. De 1981-1985 à 2016-2020, la part des sciences de la terre dans le total des publications sur l’Arctique a diminué de 4,5 % (de 26,8 % à 22,3 % du total), et celle des sciences biologiques a diminué de 1,6 % (de 24,3 % à 22,7 % du total). Au cours de la même période, la part des sciences de l’environnement dans le total des publications relatives à l’Arctique a augmenté de 3 % (de 6,2 % à 9,2 %), et celle de l’ingénierie de 2,6 % (de 9,6 % à 12,2 % du total).

Bien que ces changements correspondent à peu près à l’évolution des objectifs scientifiques et technologiques, la réalisation de ces objectifs nécessite une vaste mobilisation de la communauté scientifique nordique en faveur de ces objectifs communs et un programme de recherche plus intégré au sein des disciplines des sciences naturelles et sociales et entre elles.

Les technologies numériques jouent également un rôle plus important dans la recherche grâce à des outils à distance, tels que l’observation spatiale de la terre, mais aussi grâce à des technologies qui améliorent le travail sur le terrain (par exemple, les drones, les réseaux de capteurs intelligents, les instruments portatifs). L’utilisation de ces technologies accroît le besoin d’expertise locale en matière de logiciels et de matériel et de connectivité à large bande pour soutenir la recherche et les opérations. Les techniques avancées de télédétection sont prometteuses, mais les dix dernières années nous ont appris que nous avons toujours besoin d’un travail direct sur le terrain et d’un suivi communautaire, car la révolution satellitaire n’a pas permis de mesurer certaines variables clés. Parmi les développements récents les plus prometteurs, on trouve une multitude de capteurs mobiles autonomes pour l’océan et l’atmosphère qui peuvent être déployés relativement facilement et à peu de frais.Note de bas de page 1

La transformation numérique de la science concerne également les données et la capacité de calcul. Pour comprendre l’Arctique en tant que système, il faut pouvoir comparer des ensembles de données provenant de domaines, de régions et d’époques différents afin d’établir des liens, des points communs et des différences systématiques. Les exigences en matière de gestion des données, l’archivage à long terme, la qualité des métadonnées et les techniques d’utilisation et de visualisation des données doivent continuer à s’améliorer afin que les données puissent être utilisées plus facilement et plus souvent. Étant donné que de nombreux systèmes chevauchent les disciplines et les frontières nationales, relever les défis de la recherche arctique repose sur le partage interdisciplinaire et international des données, en garantissant l’accès aux documents et aux données tout en respectant la souveraineté des données, y compris la souveraineté des données autochtones.Note de bas de page 2

 

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Le système scientifique existant : Intégration, financement et occasions

Le gouvernement fédéral soutient les activités scientifiques menées dans le Nord de multiples façons et par l’intermédiaire de multiples organisations. Outre le PPCP, les chercheurs peuvent bénéficier du soutien du Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH), du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie (CRSNG), des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), de la Fondation canadienne pour l’innovation (FCI) et de Savoir polaire Canada, pour n’en citer que quelques-uns. Cette liste exclut les sources de soutien provinciales, territoriales et locales.Note de bas de page 3

Des organisations telles qu’ArcticNet, l’Institut arctique de l’Amérique du Nord et PermafrostNet rassemblent des chercheurs de l’Arctique qui étudient la santé humaine et les sciences naturelles et sociales dans l’Arctique. Les institutions de recherche situées dans le Nord, telles que l’Institut de recherche du Nunavut, l’Institut de recherche Aurora et l’Université du Yukon, jouent un rôle de plus en plus important dans la recherche et la formation.

De nombreux ministères et organismes fédéraux proposent des programmes permanents de longue date de recherche et de surveillance qui font avancer leurs mandats respectifs et incluent des activités menées dans le Nord. Ces ministères comprennent Ressources naturelles Canada, le Conseil national de recherches du Canada, Environnement et Changement climatique Canada, Pêches et Océans Canada, Santé Canada et l’Agence spatiale canadienne. Savoir polaire Canada, créé en juin 2015 par la fusion de la Commission canadienne des affaires polaires et de l’initiative de la Station canadienne de recherche dans l’Extrême-Arctique, a récemment été ajouté à ce groupe avec l’intention de devenir un centre de recherche scientifique dans l’Arctique canadien et de renforcer le leadership canadien en matière de science et de technologie polaires.

La communauté des scientifiques travaillant sur l’Arctique et les régions subarctiques dépend d’une infrastructure partagée pour mener à bien ses recherches, quel que soit le bailleur de fonds du projet. Pour ces scientifiques, des infrastructures, une logistique et des opérations sur le terrain durables et actualisées sont d’une importance cruciale et déterminent souvent la viabilité du projet.

Un certain nombre de conditions font qu’il est complexe et coûteux de mener des activités scientifiques dans le Nord. Le Nord a une densité de population relativement faible : le Nord du Canada compte 0,03 habitant par kilomètre carré (0,07/km2 pour le Yukon, 0,04/km2 pour les T.N.-O. et 0,02/km2 pour le Nunavut), contre 3,7/km2 pour le Canada. Par conséquent, le Nord dispose d’infrastructures limitées en matière de transport, d’énergie et de communication. Le Nord est géographiquement éloigné des zones les plus densément peuplées. L’accessibilité et les conditions de vie sont également rendues plus difficiles en raison du climat froid.

D’un point de vue scientifique, et comme d’autres l’ont fait remarquer, « La diversité des écosystèmes de l’Arctique canadien représente également un défi considérable sur le plan organisationnel. » (Conseil des académies canadiennes et Comité d’experts internationaux sur les priorités scientifiques de l’Initiative canadienne de recherche dans l’Arctique, 2008) Dans le passé, la couverture régionale de la recherche dans l’Arctique a souvent été inégale, car les scientifiques sélectionnent souvent un éventail géographique limité de sites auxquels ils peuvent avoir accès. Les coûts jouent un rôle majeur dans la sélection des sites.

Il est également nécessaire de coordonner les efforts entre les programmes et les projets de recherche qui s’appuient sur différents types de logistique. Par exemple, pour étudier des phénomènes complexes et interdépendants dans l’Arctique et les régions subarctiques, un projet peut nécessiter de combiner l’accès à des sites terrestres éloignés avec l’accès à des activités scientifiques communautaires (par exemple, la santé de la population ou l’ingénierie) et à une logistique océanique ou spatiale. La manière dont la coordination entre ces processus logistiques s’effectuerait actuellement n’est pas claire. Cela pourrait supposer une approche de planification incluant d’autres organisations, telles que le PPCP, qui gère la capacité de transport aérien, et la Garde côtière, qui gère une flotte de navires. Les infrastructures et la logistique doivent également répondre aux besoins d’une base d’utilisateurs plus diversifiée (selon les principes d’équité, de diversité et d’inclusion), assurer une meilleure couverture géographique et promouvoir la recherche interdisciplinaire et internationale, entre autres.

La communauté scientifique internationale a tout intérêt à mener des recherches dans l’Arctique canadien. Si le Canada n’a pas la capacité et le leadership en matière de logistique, d’autres pays prendront la place. Cela pourrait conduire à une situation indésirable dans laquelle les chercheurs canadiens devraient demander une aide à d’autres pays pour accéder à des sites de recherche dans le nord du Canada, ce qui pourrait nuire à l’argument de la souveraineté du Canada.

Compte tenu de son histoire et de son expérience en matière de logistique, le PPCP occupe une position idéale pour jouer un rôle de premier plan dans la coordination des solutions à ces défis. En partageant son expertise et en mobilisant d’autres intervenants, le PPCP peut contribuer à développer un réseau d’infrastructures de recherche et d’organisations logistiques de classe mondiale afin de promouvoir et de soutenir davantage la science dans l’Arctique et les régions subarctiques. Le modèle en étoile (hub-and-spoke), fortement centralisé, est l’étalon-or de l’organisation de la logistique dans le Nord. Cependant, compte tenu de la croissance des institutions scientifiques locales et du nombre total d’activités scientifiques, il semble opportun de passer à un modèle de réseau plus distribué, plus flexible, plus facile à mettre à l’échelle et plus robuste. Ce réseau distribué est déjà en cours de formation et pourrait bénéficier de la mobilisation et de l’expertise du PPCP. Le Réseau canadien des opérateurs de recherche nordique a déjà recensé 112 installations dans le Nord; il serait logique d’encourager sa réactivation et son expansion.

Les avantages d’un réseau distribué sont notamment une plus grande flexibilité et une plus grande robustesse face au changement, l’augmentation ou l’ajustement du modèle en étoile en fonction de l’évolution des priorités scientifiques et des cibles géographiques. Une telle approche permettrait également d’inclure plus facilement de nouveaux acteurs, de renforcer les capacités locales (par exemple en développant des relations commerciales avec des fournisseurs de services locaux) et de répondre à des besoins scientifiques plus diversifiés (y compris en termes de localisation). L’augmentation du trafic maritime dans l’Arctique, par exemple, peut créer des occasions pour les brise-glaces scientifiques dans le Nord et pour la création d’une logistique scientifique océanique plus importante à la disposition des Canadiens. Il pourrait être nécessaire de mettre en place une logistique plus complexe reliant de multiples acteurs et services par l’entremise d’un réseau connecté de fournisseurs afin de répondre aux besoins des chercheurs pour une distribution géographique élargie des sites scientifiques.

Des discussions avec d’autres organisations nordiques pourraient permettre de passer d’un modèle de réseau en étoile à un modèle de réseau distribué. La Station canadienne de recherche dans l’Extrême-Arctique (SCREA) récemment créée à Cambridge Bay, bien qu’elle serve à l’ancrage d’un réseau moins étendu que celui du PPCP, dessert un emplacement et des sous-emplacements le long du passage du Nord-Ouest. Le cadre de la SCREA met l’accent sur les sciences naturelles dans la région géographique entourant le campus de la SCREA, appelée « aire de recherche environnementale (ARE) de la SCREA ». Cette zone comprend les communautés d’Ulukhaktok, de Kugluktuk, de Cambridge Bay, de Gjoa Haven, de Taloyoak et de KugaarukNote de bas de page 4. La dynamique de la logistique de l’accès à distance au PPCP n’a pas changé de manière significative depuis l’établissement de la SCREA; en fait, le PPCP soutient certains projets de recherche financés par la SCREA.

Le manque de coordination de la recherche dans l’Arctique et les régions subarctiques est considéré comme un défi important par de nombreux acteurs du système de recherche. De plus grands progrès scientifiques peuvent être réalisés en s’appuyant sur une vision commune à long terme, des priorités communes, des efforts cohérents et concertés pour soutenir à la fois les projets de recherche et leurs besoins logistiques. Une coopération accrue entre les institutions qui soutiennent la recherche dans le Nord, qui pourrait être ancrée dans une stratégie commune, pourrait contribuer à la réalisation de cet objectif. Collectivement, le réseau croissant d’infrastructures nordiques et de soutien logistique pourrait être compris (et reconnu) comme l’un des principaux engagements du gouvernement fédéral en matière d’infrastructures de recherche, ce qui pourrait à son tour favoriser des efforts mieux intégrés et concertés.

 

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Collaboration avec les communautés locales et décolonisation de la recherche dans l’Arctique et les régions subarctiques

La collaboration avec les peuples autochtones du Nord s’intensifie dans tous les types de recherche, et les communautés autochtones du Nord ont davantage de possibilités de façonner et de mener elles mêmes des recherches dans l’Arctique. Cela contribue à une meilleure prise en compte des connaissances autochtones et locales dans la compréhension de la science des systèmes arctiques et subarctiques (impacts, risques et besoins en matière de gouvernance). Les avantages démontrés d’une véritable production conjointe des connaissances pour faire progresser d’importants domaines de recherche suggèrent qu’il est nécessaire de soutenir davantage ce type de mobilisation.

Il faut soutenir les efforts visant à collaborer plus étroitement avec les communautés nordiques afin de cerner les questions de recherche et, le cas échéant, de produire conjointement les connaissances nécessaires pour y répondre et de contribuer à transformer ces connaissances en avantages pour la communauté. Dans un avenir prévisible, la science arctique continuera à faire l’objet d’un intérêt mondial et local. En plus de soutenir les objectifs d’autodétermination de la population, la présence de la population locale à la table des négociations est le meilleur moyen de créer des synergies entre les intérêts mondiaux et locaux et de s’assurer que la science favorise l’égalité et profite à tous.

Le PPCP a déployé des efforts importants à cet égard, comme l'inclusion d'un critère de notation sur la participation des communautés autochtones dans son évaluation des projets universitaires et le soutien au programme de formation sur le terrain des Inuits d'ECCC, mais il y a encore place à l’amélioration. Au début des années 1990, le PPCP a mis en place un sous programme de connaissances traditionnelles qui a permis aux communautés, aux organisations nordiques et aux chercheurs d’étudier des sujets pertinents pour les habitants du Nord. Toutefois, comme le montre la figure 2, le Programme de connaissances traditionnelles représente moins d’un pour cent des projets soutenus par le PPCP.

Figure 2 – Répartition des projets soutenus par le PPCP en 2019 (Extrait du rapport scientifique annuel)

Figure 2 – Répartition des projets soutenus par le PPCP en 2019 (Extrait du rapport scientifique annuel)

  • Figure 2 - Description textuelle

    L'image montre un grand cercle avec le texte 239 projets au centre. À l'extérieur du grand cercle, des cercles plus petits sont placés autour de celui-ci avec des chiffres et des mots. Dans le sens des aiguilles d'une montre, en commençant à 1 heure: Gouvernement fédéral, 83 universités canadiennes, 17 organisations du nord, 13 Centre de formation des Forces armées canadiennes dans l'Arctique (ministère de la Défense nationale), 6 groupes internationaux et indépendants, 2 programme canadien d'échange Arctique-Antarctique , 2 programme de connaissances traditionnelles, 5 recherche et sauvetage.

 

Il est impératif de contribuer au renforcement des capacités scientifiques dans le Nord afin que les connaissances scientifiques et les capacités humaines soient présentes tout au long de l’année dans l’Arctique et les régions subarctiques. Les communautés nordiques devraient être encouragées à créer des bases de recherche locales qui apportent des avantages tangibles aux communautés locales, répondent aux questions des communautés et soutiennent la science communautaire. Une formation peut être dispensée aux nouveaux chercheurs et aux chercheurs en début de carrière (y compris, idéalement, une bonne proportion de chercheurs autochtones) afin d’assurer la santé future de la recherche canadienne dans l’Arctique et les régions subarctiques. Au fur et à mesure que les capacités de recherche augmentent et que les institutions locales se développent, les chercheurs nordiques devraient jouer un rôle croissant dans l’orientation des activités de recherche et dans la production de connaissances sur le territoire et ses habitants. Les trois territoires s’efforcent de renforcer leurs capacités, leurs infrastructures et leur base de connaissances locales. Le Yukon et les Territoires du Nord-Ouest ont créé ou sont en train de créer des universités (Université du Yukon et Collège Aurora, qui est en voie de devenir une université polytechnique).

Pour les communautés nordiques, la participation active, voire proactive, à la recherche dépend de l’évaluation des coûts et des avantages de cette participation. On s’intéresse particulièrement à une série de questions juridiques et stratégiques entourant la conduite éthique de la recherche dans et avec les communautés autochtones, notamment les répercussions pour les droits issus des traités et les obligations de la Couronne, la souveraineté des données et les moyens appropriés de demander, de recueillir, de stocker, de communiquer et d’utiliser le savoir autochtone.

Ces préoccupations et les risques qu’elles représentent pour les communautés nordiques peuvent être atténués par diverses mesures. Une possibilité consiste à modifier la Politique sur l’intégrité scientifique du ministère fédéral responsable du PPCP (c’est-à-dire Ressources naturelles Canada) afin d’inclure des dispositions particulières pour la sollicitation, la collecte, la communication, le stockage et l’utilisation appropriés du savoir autochtone qui seraient conformes aux pratiques exemplaires actuelles et prévoient les défis à venir. Ces dispositions pourraient inclure et élargir les dispositions pertinentes de la Politique sur l’intégrité des connaissances scientifiques et du savoir autochtone de Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord CanadaNote de bas de page 5. En effet, étant donné que plus de 22 ministères et organismes fédéraux ont actuellement des politiques sur l’intégrité scientifique en vigueur et que les chercheurs et les scientifiques de bon nombre de ces ministères sont soutenus par le PPCP, il pourrait être très utile de réviser le Modèle de politique sur l’intégrité scientifique actuel, sur lequel les politiques des ministères fédéraux sont établies afin d’y inclure des dispositions régissant la sollicitation, la collecte, la communication, le stockage, l’examen et l’utilisation appropriés des connaissances autochtones.

Les populations autochtones locales expriment de plus en plus exprimé le souhait de participer aux activités de recherche et de les diriger, ce qui offre d’importantes possibilités d’élargir et de diversifier la recherche dans le Nord. Par exemple, la stratégie nationale inuite sur la recherche de l’Inuit Tapiriit Kanatami présente une feuille de route visant à favoriser l’autodétermination des Inuits en matière de recherche. Les contributions locales accompagneront, et pourraient être le seul moyen viable de soutenir, la croissance des activités de recherche au rythme nécessaire. Elles peuvent également influencer les questions scientifiques qui seront abordées et la manière dont les activités scientifiques seront menées dans le Nord au cours des 20 prochaines années. Au Canada, le programme de réconciliation fait porter à chacun la responsabilité de soutenir la décolonisation et le développement d’une plus grande autodétermination des Inuits et des autres populations autochtones, et la science peut et doit soutenir la réconciliation.

Le PPCP peut démontrer son engagement envers la décolonisation par des actions telles que la priorité accordée à la logistique de recherche pour les équipes qui ont démontré un engagement clair en faveur d’une mobilisation véritable des habitants du Nord et du développement de la capacité scientifique autochtone. Il faut concrètement intégrer davantage les gouvernements et les communautés autochtones dans le cadre de financement du PPCP. Cela peut se faire par l’intermédiaire d’un conseil consultatif qui inclut les communautés locales, comme celui que le programme a géré pendant un certain nombre d’années. Le PPCP peut soutenir la recherche locale et s’engager dans des efforts visant à développer les capacités scientifiques locales et l’enseignement postsecondaire dans le Nord (par exemple au moyen de stages).

Le PPCP et l’ensemble du réseau canadien d’opérateurs de recherche nordique peuvent mobiliser de manière proactive des acteurs non scientifiques (par exemple, l’industrie, les transports commerciaux et les communications, ainsi que l’armée) afin de créer des synergies pour aider à répondre aux besoins communs en matière d’infrastructures de base. La science est de plus en plus numérique, collaborative, multidisciplinaire et orientée vers les problèmes. Ses besoins en infrastructures de base convergent avec ceux des populations locales, à commencer par une meilleure infrastructure numérique et de transport. Étant donné que l’on s’attend à ce qu’une proportion croissante de scientifiques résident dans le Nord et fassent partie des communautés locales, ils en viendront à partager les préoccupations des communautés locales en matière de logement, de santé, d’établissements d’enseignement postsecondaire, etc.

Il existe des occasions ponctuelles qui peuvent être exploitées pour accroître la capacité de recherche scientifique. Par exemple, un océan Arctique plus ouvert et libre de glace crée des occasions croissantes pour la recherche sur navire, d’autant plus que la Garde côtière renouvelle sa flotte de brise-glaces. Une mise à jour du Système d’alerte du Nord, dans le cadre de la modernisation du NORAD, pourrait également permettre un meilleur accès aux technologies de communication à large bande dans le Grand Nord et des avantages pour les activités scientifiques.

 

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Conclusion

Au cours des 20 dernières années, l’intérêt et les activités de recherche dans l’Arctique et les régions subarctiques se sont considérablement accrus au Canada et dans toutes les nations. L’expansion de l’activité scientifique dans l’Arctique et les régions subarctiques du Canada offre au PPCP une occasion manifeste de contribuer à la mise en place d’un réseau de recherche de classe mondiale qui soutiendra l’excellence de la recherche dans le nord du Canada.

Le présent rapport met en évidence les possibilités d’améliorer le rendement scientifique du Canada :

Un effort plus stratégique et mieux coordonné pour soutenir la recherche scientifique dans le Nord canadien.

  • Renforcer la capacité scientifique et le rôle des communautés locales dans le système scientifique nordique;
  • Accroître le soutien logistique global à la recherche scientifique dans le Nord afin de répondre aux besoins de la communauté scientifique compte tenu de la croissance prévue des activités;
  • Canaliser cette augmentation sur la base d’une vision commune à long terme et de priorités communes qui garantiront des efforts cohérents et concertés pour soutenir à la fois les projets de recherche et leurs besoins logistiques.

Une communauté de recherche nordique forte de participants plus diversifiés et de nouveaux outils de pointe qui reflètent l’évolution des besoins logistiques.

  • Reconnaître que la communauté scientifique de l’Arctique et des régions subarctiques évolue dans sa composition, ses disciplines ou ses axes de recherche;
  • Fournir la capacité de soutien spécialisée requise par les nouvelles technologies numériques telles que les capteurs et les véhicules autonomes, y compris l’infrastructure de télécommunications, le traitement des données et la capacité de calcul, qui améliorent le travail sur le terrain.

Un changement qualitatif dans la manière dont la logistique est organisée, permettant une étude plus précise du Nord d’une manière plus agile et moins centralisée, en s’appuyant sur les capacités locales.

  • Relever le défi de la couverture régionale de la recherche arctique, en améliorant la portée géographique des sites auxquels les scientifiques peuvent accéder afin de refléter la diversité écologique et socioéconomique de l’Arctique et des régions subarctiques;
  • Aller au-delà du modèle en étoile (hub-and-spoke) pour passer à un modèle de soutien logistique en réseau décentralisé, afin d’obtenir une plus grande flexibilité et une plus grande robustesse face au changement, de faciliter l’inclusion et le développement des capacités locales, et de répondre à des besoins scientifiques diversifiés.

Un effort de recherche dans l’Arctique et les régions subarctiques qui tire parti d’autres aspects du développement de l’Arctique et du Nord et contribue à ce développement.

  • Reconnaître que les intérêts de la communauté scientifique convergent avec ceux de la population locale en ce qui concerne les infrastructures de base en matière de télécommunications, d’énergie et de transport.
  • Explorer les synergies possibles avec les investissements civils et militaires canadiens pour soutenir la logistique de la recherche scientifique dans le Nord.

Le Canada est l’une des huit nations circumpolaires dont le territoire s’étend jusqu’au cercle polaire arctique, avec le Danemark, la Finlande, l’Islande, la Norvège, la Suède, la Russie et les États-Unis d’Amérique. Tous ces pays ont des programmes de recherche nordique substantiels, tout comme de nombreux autres pays de l’hémisphère nord comme le Royaume-Uni. Le Canada a l’une des plus importantes revendications territoriales dans l’Arctique. Le Canada devrait aspirer à devenir un chef de file parmi les nations circumpolaires en termes de recherche nordique, de la même manière qu’il s’efforce d’être un chef de file mondial dans d’autres disciplines. Le PPCP pourrait jouer un rôle crucial dans la réalisation de cette aspiration.

Le PPCP est actuellement un exemple de composante qui fonctionne de manière indépendante, mais qui pourrait dégager une plus grande capacité dans le cadre d’un ensemble plus vaste. Pour que le Canada réalise son potentiel, il faut une meilleure coordination entre toutes les organisations qui soutiennent la recherche nordique ou y participent, ainsi qu’une plus grande participation des populations autochtones locales dans le Nord.

 

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Références

Conseil des académies canadiennes et comité international d’experts sur les priorités scientifiques de l’Initiative canadienne de recherche dans l’Arctique. 2008. “Vision pour l’Initiative c anadienne de recherche dans l’Arctique – Évaluation des possibilités ». Ottawa, Ont.: Conseil des academies canadiennes. https://www.rapports-cac.ca/wp-content/uploads/2018/10/2008-11-05-rapport-icra.pdf

Crise, Alessandro, Maurizio Ribera d’Alcalà, Patrizio Mariani, George Petihakis, Julie Robidart, Daniele Iudicone, Ralf Bachmayer, et Francesca Malfatti. 2018. “A Conceptual Framework for Developing the Next Generation of Marine OBservatories (MOBs) for Science and Society.” Frontiers in Marine Science 5. https://doi.org/10.3389/fmars.2018.00318.

International Arctic Science Committee. 2020. “State of Arctic Science Report 2020.” https://iasc.info/images/media/print/SAS2020_web.pdf.

Polar Knowledge Canada. 2019. “Science and Technology Framework 2020–2025.”

Ressources naturelles Canada. 2020. "Programme du plateau continental polaire — Rapport scientifique 2019 : Soutien logistique à la recherche scientifique de pointe au Canada et dans l’Arctique"

Stephen, Kathrin. 2018. “Societal Impacts of a Rapidly Changing Arctic.” Current Climate Change Reports 4 (3): 223–37. https://doi.org/10.1007/s40641-018-0106-1.

US National Research Council. 2014. The Arctic in the Anthropocene: Emerging Research Questions. Washington, D. C.: National Academies Press. https://doi.org/10.17226/18726.

 

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Annexe A : La contribution du PPCP à la science dans l’Arctique et les régions subarctiques

Le PPCP trouve son origine dans l’époque de la guerre froide. Le PPCP a été créé en 1958 dans le cadre de l’Année géophysique internationale (1957-1958, également appelée troisième Année polaire internationale) et de la réaction générale au lancement du Spoutnik par l’Union soviétique en 1957. L’établissement de la revendication territoriale du Canada sur le plateau continental polaire devant les Nations Unies a été, dès le début, un moteur politique important pour ce programme. Les premières années du programme ont été principalement consacrées aux études géophysiques (par exemple la cartographie gravitationnelle). Dans les années 1970, les études sur la faune, la végétation et l’archéologie se sont multipliées. Les moteurs de la science dans l’Arctique et les régions subarctiques ont évolué au cours de six dernière décennies, tout comme le PPCP lui-même. D’une manière générale, l’objectif de la recherche scientifique et technologique, et par conséquent du support logistique offert par le PPCP, est passé de la compréhension de l’Arctique à la compréhension de l’évolution de l’Arctique, puis à l’ouverture de l’Arctique. Depuis 1986, la fonction logistique du PPCP est séparée des programmes scientifiques qu’il soutient.

Aujourd’hui, le PPCP fournit des conseils, assure la coordination logistique et planifie les initiatives de recherche admissibles dans le nord du Canada (voir l’encadré 1) servant une variété de disciplines. Le programme permet d’accéder à un large éventail de sites de projet qui vont bien au-delà de la SCREA (fig. 3). D’un point de vue scientifique, le soutien logistique du PPCP est particulièrement utile pour les recherches menées à une certaine distance des stations de recherche et des communautés. Cet accès aux sites terrestres éloignés est essentiel pour que le Canada puisse recueillir et générer des connaissances complètes et intégrées sur la grande variété d’écosystèmes qui composent le vaste territoire arctique du Canada, plutôt qu’une mosaïque de connaissances locales.

Encadré 1 – Programme du plateau continental polaire

Le Programme du plateau continental polaire (PPCP) fournit des conseils, assure une coordination logistique et une planification des initiatives de recherche admissibles dans le Nord canadien. Si vos besoins logistiques dépassent les capacités d’une station de recherche ou d’une autorité locale, envisagez de demander une aide logistique au PPCP pendant la période annuelle de demande, qui a généralement lieu en octobre de l’année qui précède votre projet de recherche sur le terrain.

  • Les chercheurs des gouvernements fédéral et territoriaux canadiens, des universités et des organisations nordiques peuvent demander un soutien direct, en nature et une coordination logistique du PPCP (c’est-à-dire que le PPCP peut être en mesure de prendre en charge la totalité ou une partie des dépenses logistiques directes pour les projets).
  • Les chercheurs internationaux peuvent demander une aide à la coordination logistique du PPCP dans le Nord canadien qui, si possible, serait récupérable (c’est-à-dire que toutes les dépenses associées à la logistique fournie pour un projet seraient facturées au client).
  • Le PPCP peut prêter de l’équipement sur le terrain aux projets admissibles pour des travaux dans le Nord canadien, y compris du matériel de communication, de l’équipement de camping, des vêtements d’hiver, des véhicules de terrain et de l’équipement de sécurité.

Source : https://www.canada.ca/fr/savoir-polaire/portail-en-ligne-a-lintention-deschercheurs.html

Figure 3 : Sites de projet soutenus par le PPCP en 2019 (d’après le rapport scientifique annuel)

Figure 3 : Sites de projet soutenus par le PPCP en 2019 (d’après le rapport scientifique annuel)

 

Un certain nombre de ministères et d’organismes fédéraux à vocation scientifique gèrent des programmes relatifs à l’Arctique. Par exemple, la Défense nationale et la Garde côtière se concentrent sur la souveraineté dans l’Arctique, le Conseil national de recherches dispose d’un programme de recherche et de développement sur les infrastructures nordiques et Transports Canada gère un programme de surveillance aérienne. Certains s’appuient sur le PPCP pour la logistique.

La sélection des bons projets et l’optimisation de la logistique sont d’autant plus importantes que les coûts de la recherche dans le Nord sont élevés et les ressources limitées et que les activités scientifiques dans l’Arctique et les régions subarctiques ne cessent de croître. Le processus de sélection des projets du PPCP, tel qu’il est présenté dans ses propres documents d’évaluation du programme, est cité dans l’encadré 2. L’évolution des critères de notation des projets et la mobilisation de la communauté nordique peuvent offrir des possibilités d’améliorer les résultats du programme.

Encadré 2 – Sélection des projets du PPCP

Toutes les demandes considérées comme relevant du mandat du PPCP font l’objet d’une procédure de sélection des projets. Les projets sont évalués sur le plan de la faisabilité logistique, notamment en ce qui concerne le calendrier et les dates demandées, les détails sur les plans de santé et de sécurité et les méthodologies de terrain, ainsi que le rapport coût-efficacité de la coordination du PPCP. Le programme fixe une cible annuelle en ce qui concerne l’allocation des différents groupes d’utilisateurs. Selon la documentation, le PPCP répartit son soutien logistique direct comme suit : 42 % au gouvernement fédéral, 43 % aux universités canadiennes et 15 % aux gouvernements territoriaux et aux organisations nordiques (y compris les organisations autochtones).

Afin d’établir l’ordre de priorité des projets gouvernementaux jugés réalisables, le PPCP sollicite les conseils d’un directeur général coordonnateur, nommé par chaque gouvernement fédéral ou territorial, pour l’aider à établir l’ordre de priorité des projets susceptibles de bénéficier d’un soutien en nature. Les projets universitaires sont examinés par un comité d’examen des projets composé de scientifiques issus du monde universitaire et du gouvernement et spécialisés dans les sciences de l’Arctique (avec un équilibre entre les genres, les domaines d’expertise, l’étape de la carrière et les établissements). Les projets sont classés sur la base du guide de notation du comité d’examen, qui porte sur des critères de faisabilité (y compris la santé et la sécurité, l’emplacement, les coûts et la logistique), la reconnaissance scientifique (y compris les prix, les subventions et les publications), la qualité globale des candidatures, le nombre d’étudiants participants et le degré de participation locale. L’examen des documents a montré que le guide de notation a été élaboré sur la base de critères conformes à ceux utilisés par les conseils fédéraux de financement de la recherche.

Les intervenants interrogés dans le cadre de l’évaluation ont généralement convenu que le processus de sélection des projets universitaires par le PPCP était adéquat. Les personnes interrogées qui ont fait partie du comité d’examen ont formulé des commentaires positifs sur sa composition et sur le processus d’évaluation des projets universitaires, même si quelques-unes ont recommandé d’accroître la représentation du Nord ou des communautés. Un certain nombre de personnes interrogées ont déclaré que la procédure d’évaluation désavantageait certaines catégories de chercheurs, notamment les chercheurs communautaires, ceux qui travaillent dans l’Arctique occidental, les chercheurs en sciences sociales et les nouveaux chercheurs. L’aspect de la sélection lié à la diversité est examiné plus en détail dans la section consacrée à l’analyse ACS Plus (section 4.3.6). Quelques intervenants ont mentionné que le comité consultatif (dissous en 2016) était un mécanisme efficace permettant au programme de connaître les besoins des utilisateurs et des intervenants et la manière dont d’autres institutions soutenaient la recherche dans le Nord.

Dans le cadre de l’examen des données administratives, les feuilles de calcul utilisées pour calculer les notes totales ont été examinées pour les saisons de travaux sur le terrain de 2014 à 2020. Selon ces informations, 89 % de toutes les demandes provenant de l’extérieur d’organismes fédéraux ont été acceptées au cours de cette période. L’examen des notes montre que nombre d’entre elles ont été jugées bonnes par les comités de sélection. Toutefois, parmi les projets dont la demande de soutien a été acceptée, environ 7 % ont obtenu un score faible pour la qualité scientifique (score de 1,5 ou moins sur une échelle de 3). Environ 2 % des projets ont reçu des notes faibles à la fois pour la science et pour la participation des étudiants et de la communauté.

Source : Évaluation indépendante du Programme du plateau continental polaire (Canada.ca) PPCP

 

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