Myocardite/péricardite associée aux vaccins contre la COVID-19

 

Rapport de la conseillère scientifique en chef du Canada

Le 16 juillet 2021


Sommaire

L’élaboration et le déploiement rapides de vaccins contre la COVID 19 jouent un rôle clé pour limiter la gravité de la maladie et surmonter la pandémie. Bien que ces vaccins se soient avérés sûrs et remarquablement efficaces, la vaccination de masse a révélé des effets secondaires rares, mais potentiellement importants, comme une inflammation cardiaque compatible avec une myocardite et une péricardite. La conseillère scientifique en chef a convoqué une réunion avec des experts scientifiques le 25 juin 2021 pour discuter de l’incidence signalée, de la présentation et des causes possibles de la myocardite et de la péricardite qui sont associées aux vaccins à ARNm contre la COVID 19. Le présent rapport s’appuie sur la discussion d’experts, résume les connaissances et les incertitudes scientifiques et propose des domaines prioritaires à examiner.

Connaissances scientifiques : L’inflammation du muscle (myocarde) ou de la membrane externe (péricarde) du cœur peut être causée par plusieurs agents et affections. Les infections virales, notamment celle causée par le SRAS CoV 2, virus responsable de la pandémie de COVID 19, sont des inducteurs connus de la myocardite. La myocardite est également un effet secondaire rare signalé de certains vaccins. Dans la plupart des cas, la péricardite et la myocardite disparaissent sans autre lésion cardiaque, mais une inflammation cardiaque persistante peut accroître le risque de lésions graves et irréversibles de l’organe. Des cas de myocardite et de péricardite sont signalés dans le cadre de la vaccination contre la COVID 19, principalement après la deuxième dose du vaccin à ARNm. Les symptômes se sont généralement manifestés quelques jours après la vaccination et ont été signalés dans tous les groupes d’âge, mais principalement chez les adolescents et les jeunes adultes. La péricardite a été observée dans tous les groupes d’âge. La plupart des cas se résolvent rapidement à l’aide d’un traitement de soutien seulement.

Incertitudes scientifiques : Les données sur la vaccination de masse contre la COVID 19 évoluent rapidement, à mesure qu’un plus grand nombre de pays mènent une campagne de vaccination auprès de leur population. Pour l'instant, la plupart des rapports sur la myocardite associée aux vaccins proviennent d'Israël et des États Unis, les premiers pays à avoir utilisé les vaccins à ARNm dans le cadre de leur campagne de vaccination de masse. D’autres données de surveillance suivant la vaccination sont nécessaires pour déterminer la fréquence et la répartition de l’incidence entre les groupes d’âge et le sexe. De plus, comme un moins grand nombre de jeunes adultes ont été entièrement vaccinés avec d’autres types de vaccins contre la COVID 19, il n’est pas certain que l’inflammation cardiaque associée au vaccin soit propre à la plateforme vaccinale à base d’ARNm. Les mécanismes biologiques potentiels qui sous tendent la myocardite et la péricardite associées aux vaccins contre la COVID 19 sont actuellement inconnus, mais les personnes hospitalisées ont généralement bien répondu aux interventions anti inflammatoires. Les mécanismes de ces maladies cardiaques associées aux vaccins doivent être mis au jour si on veut comprendre les facteurs de risque et élaborer des mesures de prévention et de traitement.

Considérations prioritaires : Les avantages de la vaccination, notamment la prévention de l’infection et de la transmission de la COVID 19, ainsi que des complications suivant la COVID 19 comme la COVID 19 de longue durée et le syndrome inflammatoire multisystémique chez les enfants (MIS C), surpassent le risque de myocardite et de péricardite associées aux vaccins, mais une surveillance et des recherches actives sont nécessaires pour comprendre et prévenir les lésions cardiaques associées aux vaccins, aujourd’hui et à l’avenir. Des efforts doivent être déployés en temps utile pour combler les lacunes scientifiques, mobiliser les fournisseurs de soins de santé pour les sensibiliser à ce problème de santé et aux normes de soins, ainsi qu’établir des communications de confiance continues avec le public, notamment des approches ciblées auprès des jeunes adultes. Voici les priorités suggérées :

  • Mener des recherches biomédicales et cliniques ciblées pour mieux comprendre la physiopathologie de la maladie et élaborer des mesures préventives et thérapeutiques.
  • Déterminer si la plateforme vaccinale influe sur le risque de myocardite et de péricardite associées aux vaccins.
  • Assurer une surveillance active, coordonnée et prolongée après la vaccination, notamment en menant des études de cohortes prospectives qui surveillent les paramètres cardiaques et immunitaires.
  • Élaborer et diffuser de toute urgence des conseils cliniques à l’intention des professionnels de la santé afin de reconnaître et de prendre efficacement en charge les personnes touchées et de conseiller les personnes pouvant courir un risque plus élevé.
  • Transmettre des messages équilibrés et transparents au grand public et sensibiliser certains sous groupes qui pourraient courir un risque plus élevé d’effets cardiaques indésirables.

Problème

Le présent rapport résume les connaissances scientifiques pertinentes, les incertitudes et les mesures prioritaires à prendre concernant les rares cas d’inflammation cardiaque compatibles avec la myocardite et la péricardite liées aux vaccins à ARNm contre la COVID 19. Ces rares cas ont été signalés surtout après la deuxième dose du vaccin à ARNm contre la COVID 19 dans tous les groupes d’âge et de sexe, mais surtout chez les adolescents et les jeunes adultes de sexe masculin, et ce, de quelques à plusieurs jours après la vaccination.


Contexte

La conseillère scientifique en chef a convoqué une réunion avec des experts scientifiques le 25 juin 2021 pour discuter des nouveaux signalements de rares cas d’inflammation cardiaque compatible avec une myocardite (inflammation du muscle cardiaque) et une péricardite (inflammation de la membrane autour du cœur) après l’administration d’un vaccin à ARNm contre la COVID 19. La plupart des cas de myocardite et de péricardite survenus à la suite de la vaccination contre la COVID 19 ont été signalés en Israël et aux États Unis, deux pays qui sont bien avancés dans l’administration de la seconde dose des vaccins à ARNm. Les cas ont été principalement signalés chez les jeunes hommes (principalement dans le groupe des 12 à 29 ans) peu après la seconde dose du vaccin à ARNm (généralement dans les quatre jours). Le résultat clinique est bonNote de bas de page 1. Des cas chez les personnes âgées ont également été signalés, et le résultat varie selon la présence d’autres affections préexistantesNote de bas de page 2, Note de bas de page 3, Note de bas de page 4. Le ministère de la Santé israélien a signalé 121 cas sur plus de 5 millions de secondes doses dans les 30 jours suivant la vaccination. Selon les premières données du Vaccine Safety Datalink des États Unis, il y a eu 12,6 cas par million de secondes doses de tout vaccin à ARNm dans les 21 jours suivant la vaccination. Au Canada, en date du 9 juillet, 163 cas sur 41,5 millions de doses totales de vaccin ont été signalés à l’Agence de la santé publique du Canada et à Santé Canada, dont 67 ont été signalés après une première dose.

Au vu de ces signalements de plus en plus nombreux, plusieurs organismes de réglementation ont ajouté un avertissement sur le risque de myocardite et de péricardite pour les vaccins à ARNm contre la COVID 19. Il s’agit notamment du Secrétariat américain aux produits alimentaires et pharmaceutiques des États Unis (Moderna, Pfizer BioNTech), de Santé Canada et plus récemment du Comité pour l'évaluation des risques en matière de pharmacovigilance de l'Agence européenne des médicaments, l’EMA PRAC, qui a recommandé d’inscrire la myocardite et la péricardite à la liste des effets secondaires de ces vaccins et d’inclure un avertissement pour sensibiliser les professionnels de la santé et les personnes qui reçoivent ces vaccins. Il convient de noter qu'une relation de cause à effet entre la vaccination contre la COVID 19 et l'inflammation cardiaque n'a pas été établie et que l'opinion consensuelle est que les avantages de la vaccination continuent de l'emporter sur les risques. Néanmoins, il est essentiel de comprendre les mécanismes sous jacents à la maladie cardiaque associée aux vaccins pour assurer la prévention et le traitement.


Considérations scientifiques

Connaissances scientifiques et cliniques

La myocardite est définie sur le plan clinique et pathologique comme une inflammation du myocarde. Les causes de l’inflammation peuvent être nombreuses, et elles influencent le traitement et le pronosticNote de bas de page 5. Elles comprennent l’infection, les médicaments, le traitement du cancer et les maladies inflammatoires. L’âge, le sexe et les facteurs génétiques et environnementaux peuvent influer sur la gravité de la maladie. Chez les enfants et les adolescents, la cause la plus fréquente de myocardite est l’infection virale, et la plupart d’entre eux se rétablissent complètement avec la bonne prise en charge médicale. Toutefois, selon les lésions au myocarde, comme la perte de myocytes et le remodelage, la myocardite pourrait avoir des conséquences à long terme sur la fonction cardiaque et accroître la sensibilité cardiaque à d’autres agents et affections. La fréquence de la myocardite dans la population générale, toutes causes confondues, est estimée à environ 2 cas par 100 000 personnesNote de bas de page 6 et est prédominante chez les jeunes hommes. L'évolution clinique et les résultats varient, mais sont généralement plus longs et peuvent être plus graves que ce qui est actuellement observé dans les cas associés aux vaccins contre la COVID 19.

Myocardite due à une infection : La myocardite peut être causée par des virus (y compris la grippe, la rubéole, le VIH, l’adénovirus, la coxsackie et le SRAS CoV 2), des bactéries et des toxinesNote de bas de page 5, Note de bas de page 7. Une atteinte cardiaque, dont la myocardite, a déjà été signalée chez des personnes infectées par le SRAS-CoV-2Note de bas de page 7, Note de bas de page 8 et dans le cadre d’une réponse hyperinflammatoire plus généralisée appelée syndrome inflammatoire multisystémique chez les enfants (MIS C) observé chez les enfants et les jeunes adultes après une infection par le SRAS CoV 2 (syndrome post COVID 19).

Myocardite et péricardite associées aux vaccins : Auparavant, la myocardite était un événement rare associé à une certaine vaccination, notamment la vaccination contre la varioleNote de bas de page 9, Note de bas de page 10. La fréquence de la myocardite ou de la péricardite associée aux vaccins contre la COVID 19 est actuellement à l’étude. Les patients présentant cette complication sont généralement des personnes en bonne santé; seuls certains avaient déjà été infectés par le SRAS CoV 2, tandis que la plupart ne l’ont pas étéNote de bas de page 11. Les infections antérieures par d’autres agents dans les cas déclarés n’ont pas été examinées.

Une analyse indépendante (Liu, Peter et coll., travaux inédits) des réactions cardiaques inflammatoires après la vaccination à ARNm contre la COVID 19 qui ont été signalées aux systèmes VigiBase de l’Organisation mondiale de la Santé et du VAERS des États Unis a révélé les caractéristiques suivantes des cas :

  • Le nombre de cas déclarés après les vaccins à ARNm ne dépassait pas le nombre de cas déclarés après les vaccins contre la grippe, sauf chez les 17 à 28 ans. Chez les femmes, les cas semblaient répartis plus uniformément entre les groupes d’âge.
  • Le symptôme le plus courant est la douleur thoracique, et le résultat le plus courant est un taux élevé de troponine hautement sensibles.
  • Les cas qui ont nécessité une hospitalisation se caractérisent par de courts séjours d’environ 2 à 3 jours et par une bonne réponse aux médicaments anti inflammatoires, comme les anti inflammatoires non stéroïdiens (AINS), les corticostéroïdes et autres agents immunosuppresseurs.
  • Comme on l’a vu ci dessus, la myocardite a surtout été observée chez les jeunes hommes de 18 à 29 ans et est plus fréquente après une deuxième dose de vaccin, les symptômes apparaissant typiquement au jour 3. Les cas de péricardite ont plus souvent été observés chez les personnes de plus de 65 ans.
  • Une issue fatale s’est produite dans environ 1 % des cas déclarés à VigiBase et surtout chez les personnes âgées présentant des comorbidités.

Incertitudes scientifiques

L'hétérogénéité des déclencheurs de la myocardite, des présentations cliniques et des résultats s'accompagne de nombreuses lacunes dans les connaissances qui rendent la prévention, la détection et le traitement difficiles. En ce qui concerne la myocardite ou la péricardite associée aux vaccins contre la COVID 19, il faut combler d’importantes lacunes dans les connaissances, comme les personnes à risque, les déclencheurs, les mécanismes biologiques et les conséquences à moyen terme sur la fonction cardiaque.

Hypothèses concernant les déclencheurs et les mécanismes biologiques possibles

Comme il a été mentionné précédemment, aucun lien causal n’a encore été établi entre la vaccination contre la COVID 19 et la myocardite et péricardite, et les possibles mécanismes biologiques sous jacents ne sont pas connus. Il faut examiner les voies ou facteurs qui pourraient jouer un rôle dans le déclenchement de l’inflammation du cœur après la vaccination et dans la protection contre les lésions cardiaques ou leur aggravation. Il s’agit notamment des divers aspects de la réponse immunitaire de l’hôte, de l’influence du dosage et de l’intervalle du vaccin ainsi que des diverses composantes du vaccin, de la contribution des infections passées ou en cours et du rôle régulateur des hormones sexuelles sur la manifestation cardiaque.

Réponse immunitaire primaire : Le rôle de la réponse immunitaire induite par un vaccin est soutenu par un certain nombre d’observations et de preuves circonstancielles suggérant que la myocardite survenant après la vaccination peut refléter une réponse immunitaire déréglée, peut être en raison de la reconnaissance de l’ARN par des récepteurs de reconnaissance de motifs moléculaires qui mènent à la production d’interférons de type I et d’autres cytokines pro inflammatoires. La présence de fièvre, de frissons et de myalgie après l’administration des vaccins à ARNm concorde avec une réponse immunitaire accrue. Il convient de noter que les enfants et les jeunes affichent généralement une réponse immunitaire plus robuste que les adultes, ce qui pourrait expliquer l’incidence plus élevée de myocardite après vaccination dans ce groupe d’âge. Fait intéressant, et contrairement à la myocardite virale, les enfants atteints de myocardite associée aux vaccins contre la COVID 19 réagissent rapidement au traitement anti inflammatoire, ce qui pousse à examiner la réponse immunitaire comme un déclencheur possible. Parmi les autres facteurs qui pourraient influencer la réponse immunitaire de l’hôte et participer à la myocardite associée à la COVID 19, il y a l’infection antérieure ou persistante au SRAS CoV 2 qui peut agir comme un événement d’amorçage menant à une réponse immunitaire exagérée à la vaccination. De plus, les premiers cas de myocardite associée aux vaccins signalés chez les membres d’une même famille laissent croire que la prédisposition génétique pourrait jouer un rôle dans une réponse immunitaire hyperactive induite par le vaccin.

Concentration de la dose et intervalle posologique : La concentration de la dose de vaccin et l’intervalle de temps entre la première et la seconde dose (intervalle posologique) pourraient être des facteurs pertinents.

  • Concentration de la dose : Comme pour les autres vaccins, les adolescents reçoivent la même dose de vaccins à ARNm contre la COVID 19 que les adultes. On ne peut présumer qu’il existe un lien direct entre la réponse immunitaire médiée par l’ARNm ou les niveaux élevés de protéines de spicule qui en résultent et les effets indésirables du vaccin, mais il vaut la peine d’examiner ce lien. Il est à noter que, selon les résultats de l’essai clinique de Pfizer BioNTech, les adolescents de 12 à 17 ans présentent une réponse immunitaire plus forte que les adultes ayant reçu la même dose de vaccinNote de bas de page 12. Pfizer BioNTech mène actuellement des essais cliniques qui analysent des doses plus faibles chez les enfants de moins de 12 ans. Par ailleurs, le vaccin contre la COVID 19 de Moderna, qui présente environ trois fois la concentration d’ARNm du vaccin Pfizer BioNTech contre la COVID 19 (100 contre 30 microgrammes), semble être associé à une incidence plus élevée de myocardite selon certaines analyses.
  • Intervalle posologique : L’incidence de l’intervalle posologique demeure inconnue pour le moment puisque les données disponibles proviennent des deux pays qui ont utilisé l’intervalle de 3 à 4 semaines recommandé par les fabricants. Selon les mécanismes d’immunobiologie en jeu, des intervalles plus longs peuvent réduire ou augmenter la myocardite associée au vaccin. Les données du Canada et du Royaume Uni, pays qui ont suivi des intervalles posologiques variables et plus longs qu’Israël et les États Unis, peuvent être instructives. Divers mécanismes de protection immunitaire peuvent être déclenchés après la première et la seconde dose du vaccinNote de bas de page 13.

Composants du vaccin : Il est également possible que certains composants distincts des vaccins à ARNm (ARNm contenant des nucléosides modifiés, des nanoparticules lipidiques, etc.) contribuent aux effets indésirables des vaccins, y compris l’inflammation cardiaque. De plus, on ne peut exclure le rôle possible de la protéine de spicule produite et/ou de son interaction avec les récepteurs ACE2 (enzyme de conversion de l’angiotensine 2) cardiaque ou vasculaire.

Différences entre les sexes : La prévalence de la myocardite chez les jeunes hommes peut refléter une potentialisation du signal par les hormones mâles, une protection cardiaque par les hormones femelles ou d'autres différences hormonales indépendantes. Dans le contexte de la myocardite associée aux vaccins, un éventuel rôle de protection vasculaire ou cardiaque des œstrogènes peut expliquer la prévalence chez les hommes. Fait intéressant, les hommes touchés par la COVID 19 sont plus susceptibles que les femmes de contracter une maladie grave. Le rôle des hormones sexuelles et des chromosomes sexuels dans l'inflammation et les maladies cardiaques mérite d'être étudié plus en profondeurNote de bas de page 14.

Principales lacunes en matière de connaissances

D’autres recherches et collectes de données sont nécessaires pour répondre aux questions importantes concernant la fréquence, la manifestation, la cause et le traitement des maladies cardiaques associées aux vaccins contre la COVID 19. Les questions prioritaires sont notamment les suivantes :

  1. Quelle est l’estimation exacte du nombre de cas de myocardite et de péricardite associés à la vaccination contre la COVID 19 et quelles sont leurs tendances de répartition selon le groupe d’âge et le sexe? Les différences de plateforme vaccinale, de dosage et d’espacement des doses ont elles une incidence sur le risque de myocardite et de péricardite?
  2. Y a t il des groupes ou des personnes qui pourraient être plus à risque de maladies cardiaques associées à un vaccin et comment devrait on les prendre en charge? Par exemple :
    1. Les jeunes adultes qui ont déjà été infectés par la COVID 19 présentent ils un risque plus élevé de myocardite après avoir reçu leur première dose?
    2. Les enfants dont le MIS C est documenté présentent ils un risque élevé de myocardite associée aux vaccins? Les études de cohortes prospectives de ce groupe avant qu’il ne se fasse vacciner sont particulièrement importantes.
  3. Les manifestations cardiaques sont elles des événements bénins aigus ou des répercussions à long terme de la myocardite associée aux vaccins dans certains groupes d’âge?
  4. Pourquoi l’inflammation cardiaque est elle plus évidente et y a t il des lésions subcliniques dans d’autres organes?
  5. Pour les patients qui développent une myocardite ou une péricardite après une première dose de vaccins à ARNm, quelle est la meilleure recommandation pour la seconde dose (intervalle et types de vaccin)?

Mesures prioritaires à prendre

Le problème émergent des maladies cardiaques associées aux vaccins nécessite une attention à deux grands niveaux : combler les lacunes en matière de données et de connaissances, d’une part, et faciliter la sensibilisation et les soins cliniques, d’autre part.

Combler les lacunes en matière de données et de connaissances

1. Améliorer la connaissance de la fréquence, de l’épidémiologie et du tableau clinique de la myocardite et de la péricardite associées aux vaccins à ARNm. Voici les mesures suggérées :

  1. Mettre en place rapidement des études de cohortes prospectives auprès d’enfants et de jeunes adultes afin de surveiller les paramètres cardiaques et immunitaires de manière longitudinale, en complément des efforts actuels de surveillance passive après vaccination. De telles études fourniraient des renseignements importants sur la santé au Canada et dans le monde. La meilleure façon d’y parvenir consiste à établir des partenariats avec des réseaux déjà établis et des programmes financés en matière de surveillance des vaccins, comme les réseaux actuels en rhumatologie/cardiologie et les réseaux cliniques des maladies infectieuses à l’échelle du pays, et à les habiliter. La coordination centrale de la collecte de toutes les données cliniques (y compris l’imagerie cardiaque) et de la biobanque des cellules mononuclées de sang périphérique (PBMC) et du sérum/plasma est requise. Certaines de ces données seront saisies dans le cadre d’initiatives en cours, comme le système CANVAS COVID et le système de surveillance des ESSI de routine, mais les systèmes de déclaration passive pourraient ne pas saisir tous les cas ni assurer la surveillance longitudinale requise. De même, le réseau des cliniques spéciales d’immunisation et l’étude IMPACT de la Société canadienne de pédiatrie sur la surveillance en milieu hospitalier permettront de détecter les cas qui sont hospitalisés pour recevoir des soins médicaux. Le réseau IMPACT a amorcé une surveillance active à l’aide d’un riche ensemble de données cliniques pour les enfants admis dans 13 hôpitaux pédiatriques tertiaires au Canada qui présentent des effets indésirables suivant l’immunisation, y compris une myocardite, mais leurs données seront limitées aux patients admis à l’hôpital dans le groupe d’âge pédiatrique (<17 ans). La possibilité d'une saisie élargie des données, associée à des échantillons biologiques normalisés lors de la présentation des symptômes et à une étude de suivi faisant l’objet d’un protocole en série, fournira des données importantes. De plus, il est nécessaire de saisir et de suivre de façon prospective les données d’un sous groupe d’enfants vaccinés avant la première dose de façon uniforme, sérielle et complète. D’autres recherches sur les effets indésirables familiaux pourraient également aider à orienter les recommandations.
  2. Instaurer un identifiant de cas unique au moyen d’une plateforme centralisée de dépôt universel de cas afin d'améliorer la capacité de combiner et d’apparier les connaissances. Il serait nécessaire de recevoir des demandes spéciales des programmes de soins de santé provinciaux pour éviter les doublons, d’une part, et pour jumeler le matériel clinique, biologique, de la biobanque et génétique, d’autre part, car plusieurs projets de recherche pourraient être menés.
  3. À l’aide d’études observationnelles en laboratoire et de modèles animaux, examiner à la fois le déclencheur (composant du vaccin) et la réaction de l’hôte (immunitaire et cardiaque). Pour l’instant, la complication inflammatoire semble plus courante avec les vaccins à ARNm que les vaccins à vecteur viral. Parmi les vaccins à ARNm, elle est potentiellement plus fréquente avec Moderna, dont la charge d’ARNm est plus élevée. Il convient toutefois de noter qu’un plus petit nombre de vaccins contre la COVID 19 ont été administrés jusqu’à maintenant aux groupes plus jeunes. Il est donc important de déterminer pour ces groupes d’âge si la myocardite associée à la vaccination est une caractéristique propre aux vaccins à ARNm ou si des effets secondaires similaires peuvent être observés en présence d’autres vaccins contre la COVID 19 mis au point à l’aide de différentes plateformes. Autrement dit, la myocardite est elle due à l’ARN, aux nanoparticules lipidiques ou à la protéine de spicule traduite et/ou à son interaction avec l’ACE2 cardiaque ou vasculaire? Les réponses à ces questions ont d’importantes répercussions sur la vaccination contre la COVID 19 et au delà. Les études de surveillance expérimentale et clinique doivent notamment répondre aux questions suivantes :
    • Comprendre la réponse immunitaire de l’hôte (p. ex. jeune homme ou femme, et la réponse immunitaire après la première dose ou la seconde dose, compte tenu de l’intervalle posologique) et le déséquilibre immunitaire inhérent aux quelques personnes qui ont des complications (p. ex. polymorphisme des gènes des récepteurs de l'immunité innée). L’information sur la réponse immunitaire après la première dose chez les jeunes hommes peut être très utile, car les jeunes hommes vaccinés peuvent n’avoir besoin que d’une seule dose.
    • Déterminer si la réaction inflammatoire se limite au cœur et au péricarde ou si d’autres organes sont sous cliniquement touchés. Dans ce cas, cela pourrait il entraîner avec le temps d’autres maladies auto inflammatoires ou auto immunes comme le diabète, le psoriasis, l’athérosclérose? À cet égard, il serait utile de connaître l’incidence à long terme d’autres vaccins associés à la myocardite (p. ex. variole). Des cas graves d’inflammation systémique associée à un vaccin semblable à un phénotype du MIS C ont été signalés, avec atteinte de plusieurs organes.
    • Déterminer si les lésions au cœur ne sont que transitoires ou s’il y aura des dommages subcliniques ou progressifs à long terme menant à une susceptibilité à d’autres maladies cardiaques, comme la cardiomyopathie chronique, la coronaropathie ou les arythmies.
    • Comprendre la base immunitaire sous jacente à la myocardite. Est elle auto inflammatoire ou auto immune? Est elle innée ou médiée par les lymphocytes T? Y a t il déclenchement de l'interféron de type I par l’ARN? Pourrait on l’éviter par l’administration prophylactique et systématique d’anti inflammatoires comme les AINS dans les groupes d’âge vulnérables, sans compromettre la protection immunitaire?
    • Mener des études sur les infections au SRAS CoV 2 à l’aide de modèles animaux pour déterminer les effets des vaccins sur l’expression de l’ACE2 dans le cœur et d’autres organes pertinents.
    • Disséquer davantage les mécanismes et le développement du MIS C, car il pourrait représenter la « pointe de l’iceberg » et tirer des leçons qui éclaireront les réactions inflammatoires associées aux vaccins.
    • Mettre au point une cohorte de surveillance à long terme pour déterminer si les personnes entièrement vaccinées présentent un risque accru d’être atteintes d’une myocardite/péricardite après une exposition à des agents responsables classiques (p. ex. grippe, entérovirus, virus Coxsackie, etc.).

2. Normaliser et recueillir des données cliniques dans le cadre de recherches.

Une étude de cohorte sur les personnes qui répondent aux critères de la myocardite ou péricardite associée aux vaccins doit être menée avec suivi normalisé pour déterminer le spectre et la pertinence de ce problème, ainsi que toute morbidité autre que cardiaque. De plus, des données de recherche clinique normalisées devraient être recueillies dans le cadre de cohortes prospectives d’adolescents ou de jeunes adultes en bonne santé et d’autres personnes présentant des signes de réaction indésirable à une infection antérieure au SRAS CoV 2 (p. ex. orteils COVID 19).

Il serait important de recueillir des données exhaustives sur les antécédents cliniques et les analyses sanguines afin d’examiner la réponse immunitaire, l’exposition au virus et les marqueurs des lésions du myocarde. Cette information pourrait être dérivée des mesures plasmatiques et sériques de certaines cytokines et enzymes après la première et la seconde vaccination. De plus, des études normalisées d’imagerie cardiaque sont recommandées. Il peut s’agir d’échocardiogrammes pour surveiller les épanchements cardiaques et les anomalies globales et régionales du mouvement de la paroi, ainsi que d’imagerie par résonance magnétique (IRM) (conformément aux critères de Lake Louise mis à jourNote de bas de page 15).

Il convient d'envisager un suivi prospectif des événements indésirables dans le cadre d'une surveillance par application. Les trousses peuvent être envoyées aux particuliers et retournées par la poste. Une seule piqûre de sang au doigt permet de mesurer 10 protéines (p. ex., la troponine, les anticorps et les marqueurs inflammatoires).

Faciliter la sensibilisation et les soins cliniques

1. Identifier les groupes à risque élevé qui pourraient bénéficier d’un meilleur suivi ou d’autres approches.

Les données recueillies jusqu’à présent indiquent que les jeunes hommes pourraient être plus à risque de subir des événements cardiaques rares. D’autres recherches et une collecte de données à long terme sont nécessaires pour confirmer les personnes qui risquent le plus d’être atteintes d’une myocardite associée aux vaccins. Entre temps, les groupes suivants pourraient bénéficier de suivis plus étroits :

  • Les patients ayant déjà reçu un diagnostic de MIS C ou de myocardite/péricardite après la première dose de vaccin.
  • Les personnes atteintes d’une myocardite ou péricardite auto immune (petite population bien connue de patients suivie en rhumatologie/immunologie), celles atteintes d’une maladie auto immune spécifique d’organe et celles qui en souffrent en raison d’une maladie auto immune sous jacente, p. ex. lupus érythémateux disséminé, vascularite, arthrite, maladie auto inflammatoire, etc.
  • Adolescents de sexe masculin immunocompromis présentant une exacerbation de la maladie pro inflammatoire, pendant une poussée ou une phase aiguë.

Les mesures suivantes peuvent aider à clarifier les personnes qui sont les plus à risque :

  • Adopter une définition de cas normalisée (il est suggéré d’utiliser celle de la Brighton Collaboration).
  • Élaborer un processus convenu d’enquête et de suivi adapté à l’enfant et à l’adulte et qui pourrait être utilisé dans divers contextes, y compris dans les régions rurales et éloignées.
  • Assurer la coordination avec les efforts de surveillance internationaux.

2. Fournir des communications publiques ciblées et des mesures de sensibilisation aux professionnels de la santé.

Dans l’ensemble, la myocardite est une complication rare associée aux vaccins à ARNm contre la COVID 19. Bien que les conséquences à long terme ne soient pas encore connues, les experts s’entendent pour dire que les avantages des programmes de vaccination l’emportent sur les risques à l’échelle de la population, particulièrement parce que l’infection par le SRAS CoV 2 elle même et le MIS C connexe présentent un risque beaucoup plus élevé de lésions myocardiques7 et de séquelles à long terme. Une communication et une sensibilisation ciblées et transparentes concernant l'évolution des connaissances sur la myocardite et la péricardite sont importantes et devraient comprendre les mesures suivantes :

  • Communication publique transparente pour informer le grand public et les populations potentiellement vulnérables de la fréquence, des symptômes et de la prise en charge des maladies cardiaques provoquées par la vaccination sans nuire à l’acceptation des vaccins.
  • Sensibilisation, communications et conseils distincts et appropriés à l’intention des fournisseurs de soins de santé afin qu’ils soient prêts à prendre soin des patients qui présentent une cardiopathie associée aux vaccins. Entre autres :
    • Les professionnels de la santé devraient être informés de la présentation unique, des antécédents naturels, des stratégies de prise en charge possibles et du risque d’effets indésirables rares de ces complications inflammatoires afin de réduire davantage les effets négatifs en aval. Cela inclut les pédiatres, les médecins de famille et les urgentologues.
    • Les sociétés canadiennes de cardiologie, de rhumatologie/immunologie et de maladies infectieuses pourraient collaborer à l’élaboration de lignes directrices communes pour l’investigation et la prise en charge des soins, afin d’en faire la promotion comme pratique exemplaire. Il convient de souligner qu’un groupe multidisciplinaire de l’Hospital for Sick Children a élaboré un document d’orientation préliminaire à l’intention des professionnels de la santé et prévoit diffuser les connaissances en plusieurs étapes, notamment en mobilisant la Société canadienne de pédiatrie. Le document pourrait servir de fondement pour élargir les lignes directrices aux populations adultes.

Conclusion

Selon les données scientifiques probantes actuelles, les vaccins contre la COVID 19 continuent d’être recommandés pour toutes les personnes admissibles, y compris les jeunes. La vaccination à l’échelle de la population est cruciale pour lutter contre la pandémie mondiale et pour protéger la santé des personnes. Les avantages de la vaccination sont importants — la prévention de l’infection à la COVID 19, la transmission du coronavirus, les hospitalisations et les décès, ainsi que les complications suivant une infection, comme la COVID 19 de longue durée et le MIS C. Parallèlement, il est essentiel de mieux connaître les événements indésirables rares, mais potentiellement graves associés à la vaccination, y compris l’inflammation cardiaque. Le Canada possède l’expertise nécessaire pour contribuer aux efforts mondiaux de surveillance après vaccination et à la recherche qui feront progresser la science, amélioreront les soins et préserveront la santé humaine.


Remerciements

Nous tenons à remercier chaleureusement les experts suivants qui ont participé aux délibérations et aux recommandations des tables rondes :

  • Natalia Abraham, M.D., FRCPC, Agence de la santé publique du Canada
  • Gregor Andelfinger M.D., Ph. D., CHU Sainte Justine
  • Nagib Dahdah, M.D., FRCPC, Université de Montréal
  • Slava Epelman, M.D., Ph. D., FRCPC, Toronto General Hospital Research Institute
  • Eleanor Fish*, Ph. D., Université de Toronto
  • Joanne Langley*, M.D., M. Sc., FRCPC, Université Dalhousie
  • Peter Liu, M.D., FRCPC, Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa
  • Brian McCrindle, M.D., FRCPC, Hospital for Sick Children
  • Bruce McManus Ph. D., M.D., FRSC, FCAHS, Université de la Colombie Britannique
  • Gavin Oudit, M.D., Ph. D., Université de l’Alberta
  • Caroline Quach*, M.D., M. Sc., FRCPC, Université de Montréal
  • Manish Sadarangani, BM, BCh, DPhil, Université de la Colombie Britannique et BC Children’s Hospital
  • Marina Salvadori, M.D., Agence de la santé publique du Canada
  • Supriya Sharma*, M.D., Santé Canada
  • Matthew Tunis, Ph. D., Comité consultatif national de l’immunisation (CCNI)
  • André Veillette, M.D., Institut de recherche clinique de Montréal
  • Bryna Warshawsky, M.D., Agence de la santé publique du Canada
  • Rae Yeung, M.D., PH. D., FRCPC, Hospital for Sick Children
  • Joseline Zafack, M.D., Agence de la santé publique du Canada

*Désigne un membre régulier du Groupe d’experts de la conseillère scientifique en chef sur la COVID 19

Nous remercions tout particulièrement les membres suivants du Bureau de la conseillère scientifique en chef pour leur soutien spécialisé et leur aide rédactionnelle : Lori Engler Todd, M. Sc., Vanessa Sung, Ph. D. et Andreea Diana Moisa, B. Sc.

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