Quels oiseaux terrestres sortent gagnants et perdants dans un paysage de l’Alberta où de multiples facteurs de stress sont présents?

Les oiseaux terrestres de la région des sables bitumineux de la rivière Athabasca ressentent-ils l’effet cumulatif des multiples facteurs de stress? Pouvons-nous simplement additionner l’effet des facteurs de stress, ou l’effet est-il encore plus grand lorsque les facteurs de stress sont multipliés?

Lisa Mahon (Ph. D.), du Service canadien de la faune d’Environnement et Changement climatique Canada (ECCC), et Gillian Holloway (Ph. D.), consultante en écologie, ont entrepris de répondre à ces questions. En collaboration avec Erin Bayne (Ph. D.), de l’Université de l’Alberta, et Judith Toms (Ph. D.), du Service canadien de la faune, cette étude a été financée par le programme de surveillance des sables bitumineux. Publié récemment dans la revue scientifique Ecological Applications, l’article de recherche qui en résulte est intitulé Additive and interactive cumulative effects on boreal landbirds: winners and losers in a multi-stressor landscape.

Les principaux facteurs de stress pour les oiseaux terrestres dans la région des sables bitumineux de la rivière Athabasca découlent des activités d’exploitation des ressources, notamment l’exploration (lignes sismiques, puits d’exploration) et l’extraction (pipelines, puits de production et installations industrielles) des ressources énergétiques, l’exploitation forestière (unités de récolte et routes) et la construction des infrastructures (routes, chemins de fer et lignes électriques). D’une manière générale, les chercheurs supposent que l’effet cumulatif de plusieurs facteurs de stress peut être simplement additionné (effet additif). Le travail réalisé dans les systèmes marins indique que l’effet cumulatif peut être obtenu en multipliant les multiples facteurs de stress (effet interactif). Il en résulte des effets complexes qui pourraient être plus importants que des effets additifs, ce qui ne facilite pas la compréhension ni la gestion de l’impact des facteurs de stress.

L’étude portait principalement sur l’examen des effets découlant des facteurs de stress linéaires (lignes sismiques, pipelines, lignes électriques et routes), des facteurs de stress énergétiques (puits) et des facteurs de stress forestiers (unités de récolte) sur 27 espèces d’oiseaux terrestres boréaux.

Qu’ont trouvé les chercheurs?

Les scientifiques et le personnel d’ECCC ont étudié les oiseaux terrestres des forêts boréales dans plus de 2 700 sites d’échantillonnage dans la région des sables bitumineux de la rivière Athabasca, en Alberta, d’une superficie de 9,3 millions d’hectares, en vue d’examiner les effets des facteurs de stress linéaires, des facteurs de stress énergétiques et des facteurs de stress forestiers. Les auteurs ont constaté que les facteurs de stress liés à l’exploitation des ressources avaient une incidence sur l’abondance de 20 des 27 espèces d’oiseaux terrestres à l’étude (74 p. 100) et que des effets interactifs complexes entre les facteurs de stress avaient une incidence sur l’abondance de 11 des 27 espèces d’oiseaux terrestres. Dans les régions où les facteurs de stress sont nombreux, les chercheurs ont trouvé moins d’espèces associées aux conifères (p. ex. la Paruline à poitrine baie, la Mésange à tête brune, le Mésangeai du Canada et la Sittelle à poitrine rousse) et plus d’espèces associées aux arbres à feuilles caduques comme la Mésange à tête noire, le Viréo aux yeux rouges et le Cardinal à poitrine rose. Cette situation s’explique probablement par la végétation caduque qui s’installe après une perturbation (p. ex. des arbustes et aulnes, des saules et des peupliers héliophiles).

Les auteurs ont également découvert des preuves indiquant un changement de 15 p. 100 dans la communauté d’oiseaux terrestres entre la zone d’étude actuelle où la perturbation est de 8,4 p. 100 et la même zone d’étude sans perturbation. De nombreuses espèces d’oiseaux associées aux conifères sont des spécialistes au sein de la communauté des oiseaux terrestres des forêts boréales de l’ouest, ce qui signifie qu’elles n’utilisent qu’un petit éventail de ressources ou de conditions d’habitat. Des programmes de surveillance de plus vaste portée indiquent que plusieurs spécialistes des conifères sont en déclin dans la forêt boréale. L’exploitation actuelle des ressources dans les forêts boréales de l’ouest continuera de remplacer les forêts mixtes et les forêts de conifères plus anciennes par de jeunes forêts caducifoliées. On s’attend à ce que ce remplacement réduise l’abondance des espèces d’oiseaux associées aux conifères (oiseaux qui sortent perdants) et augmente celle des espèces d’oiseaux associées aux arbres à feuilles caduques (oiseaux qui sortent gagnants).

Mahon déclare ce qui suit : « Nos résultats indiquent que les effets cumulatifs de l’exploitation des ressources entraînent le remplacement d’espèces spécialistes par des espèces généralistes et que l’ampleur de ces effets est plus grande que la simple somme des zones touchées par les facteurs de stress individuels. On ne connaît pas l’incidence qu’auront les effets de perturbation à grande échelle, comme les changements climatiques, sur ces effets complexes de facteurs de stress à petite échelle » [traduction].

Quelles sont les prochaines étapes?

Les auteurs font remarquer que, d’après les résultats, ils aimeraient que les plans régionaux d’utilisation des terres et les évaluations environnementales tiennent compte des interactions entre les facteurs de stress à petite et à grande échelle. L’objectif est de mieux prévoir les effets cumulatifs des multiples industries primaires.

Le document souligne que les résultats de l’étude sont préliminaires et que les travaux dans ce domaine se poursuivront. Les chercheurs indiquent qu’à ce stade, il est prématuré de fournir des conseils normatifs aux décideurs.

« D’autres études seront nécessaires avant que nous puissions tenir pleinement compte de cette complexité dans la planification de l’utilisation des terres et les évaluations environnementales » [traduction], indique l’étude.

Cette recherche a été financée par le programme de surveillance des sables bitumineux.