Au cours de la pandémie de COVID-19, presque toutes les grandes villes du Canada ont mis en place un programme de surveillance par l’analyse des eaux usées. Il a toutefois été plus difficile d’amener cette technologie dans les communautés nordiques, éloignées et isolées, dont les populations sont parmi les plus à risque de complications de la COVID-19. Le Laboratoire national de microbiologie (LNM) de l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC) a joué un rôle déterminant dans la prestation de programmes communautaires de surveillance par l’analyse des eaux usées dans ces communautés en fournissant du matériel d’analyse, de la formation et une surveillance continue de l’assurance de la qualité. Ces efforts s’ajoutent au travail du LNM pour doter ces communautés nordiques et éloignées de capacités de diagnostic de la COVID-19.
« L’équité en matière de résultats sur la santé est importante », affirme Chand Mangat (Ph. D.), chercheur scientifique au Programme national de surveillance des eaux usées du LNM. « Nous devons faire usage de solutions créatives pour comprendre les questions de santé publique émergentes. »
Avantages de l’analyse des eaux usées dans les communautés éloignées
De graves éclosions peuvent se produire très rapidement dans ces communautés en raison du nombre accru de foyers multigénérationnels, de logements surpeuplés, de populations étroitement interreliées et d’importants obstacles à l’accès à des soins de santé en temps opportun. L’un des principaux avantages de l’analyse des eaux usées est qu’elle peut fournir à la communauté un avertissement précoce d’une possible éclosion. Dans l’éventualité d’un pic de cas, elle peut avertir les dirigeants et les autorités de santé publique de la région qu’il faut prendre des mesures pour freiner l’éclosion, comme distribuer des fournitures de tests rapides ou mettre des mesures de santé publique en place. Si les échantillons d’eaux usées sont analysés dans la communauté, cela signifie qu’ils n’ont pas à être envoyés au LNM ou à un autre laboratoire central, ce qui permet de gagner du temps. L’information que les communautés tirent de l’analyse des eaux usées peut également être importante pour coordonner les efforts de vaccination ou guider la distribution de traitements antiviraux.
« L’analyse des eaux usées n’exige pas d’infrastructures majeures. Son empreinte est faible, et un seul échantillon donne un aperçu de la santé des membres de la communauté », dit M. Mangat.
Six communautés dans les Territoires du Nord-Ouest analysent leurs eaux usées depuis les 18 derniers mois. L’analyse a permis de détecter de multiples éclosions et a fourni aux communautés un avertissement précoce qui leur a permis de prendre rapidement des mesures préventives et de réduire toute propagation supplémentaire de la COVID-19.
Programmes communautaires d’analyse des eaux usées
En 2022, les Premières Nations de Champagne et de Aishihik et le village de Haines Junction au Yukon ont travaillé de près avec le LNM pour créer un programme qui aborde les besoins particuliers de la communauté. Ensemble, ils ont mis au point une solution adaptée correspondant aux souhaits des dirigeants communautaires et ont confié à la communauté la responsabilité de toutes les données recueillies au moyen du programme d’analyse des eaux usées.
« Notre programme de surveillance des eaux usées est né de notre intérêt à comprendre la prévalence de la COVID-19 à Dakwäkäda/Haines Junction afin que les résidants et les autorités locales puissent prendre les meilleures décisions éclairées possible concernant la gestion des risques et la marche à suivre au quotidien », explique le Dän nätthe äda Kh’úkhįá (chef Barb Joe des Premières Nations de Champagne et de Aishihik). « Nous renforçons la résilience de notre communauté en vue de comprendre la COVID-19 et d’intervenir contre elle tout en renforçant les capacités communautaires en faisant appel à une entreprise appartenant à un membre des Premières Nations de Champagne et de Aishihik, Dawnix Water Services, pour gérer notre laboratoire local. »
Michael Becker (Ph. D.), chercheur scientifique à l’initiative concernant les collectivités nordiques, éloignées et isolées du LNM, souligne l’importance de ces programmes.
« Il s’agit d’initiatives communautaires respectueuses du droit de nos partenaires à l’autodétermination en matière de santé », indique M. Becker. « Nous offrons du soutien à l’arrière-plan, mais les programmes s’incarnent vraiment entre les mains de la communauté. »
Plus tôt lors de la pandémie, les scientifiques du LNM ont été confrontés au défi de trouver un test d’analyse des eaux usées qu’il est possible à réaliser dans des communautés n’ayant pas de laboratoire sans compromettre la qualité des données. Ils ont réussi à mettre en œuvre un test rapide réalisé au moyen d’instruments d’analyse diagnostique hors laboratoire dont le rendement est aussi bon que celui des tests en laboratoire. L’obtention d’échantillons de bonne qualité à partir des infrastructures des eaux usées existantes était un autre obstacle à surmonter. Trouver des solutions a exigé une coordination entre des ingénieurs de la gestion des eaux usées, les responsables de la santé publique pour la région et les communautés.
Les scientifiques espèrent que le succès du programme d’analyse des eaux usées de Dakwäkäda/Haines Junction encouragera à l’avenir d’autres communautés à mettre sur pied leurs propres programmes.
Accroître l’équité en santé
Le LNM explore comment son travail avec les Premières Nations de Champagne et de Aishihik et le village de Haines Junction, ainsi que d’autres communautés, peut contribuer à mener à une plus vaste collaboration communautaire au-delà de la pandémie de COVID-19. Le LNM est souvent en pourparlers avec des communautés pour explorer diverses façons dont l’analyse des eaux usées peut contribuer à la surveillance d’autres maladies ayant des incidences considérables. En laboratoire, des scientifiques se penchent sur comment ils peuvent utiliser l’analyse d’eaux usées pour détecter d’autres pathogènes, comme ceux qui causent des infections transmissibles sexuellement et par le sang, la grippe, la tuberculose, la variole simienne et la poliomyélite ou qui sont résistants aux antimicrobiens.
« Nous assistons depuis le début de la pandémie à une révolution dans le domaine des soins de santé, en particulier dans les communautés nordiques, éloignées et isolées. Ces communautés ont obtenu un meilleur accès à des outils pour prendre soin elles-mêmes de la santé de leurs membres et sont donc en mesure de prendre leurs propres décisions dans le domaine de la santé », affirme M. Becker.
Il dit qu’aider à fournir un accès aux soins de santé équitable pour tout le monde au Canada est une passion pour les membres de son équipe.
« Observer les incidences de ce programme d’analyse des eaux usées dans ces communautés pendant la pandémie a été une expérience extraordinairement enrichissante. J’ai hâte de voir comment ce travail se poursuivra au-delà de la pandémie de COVID-19 », affirme M. Becker.