L’analyse de gouttes de sang séché, une technique utilisée par les scientifiques du Laboratoire national de microbiologie (LNM) de l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC), révolutionne notre façon de dépister les maladies transmissibles au Canada. Elle peut servir à différents usages, notamment le dépistage des infections transmissibles sexuellement et par le sang (ITSS) et l’analyse de la présence d’anticorps signalant des infections antérieures (p. ex. COVID-19). Le LNM utilise l’analyse de gouttes de sang séché pour offrir des services dans divers contextes communautaires; il a notamment prêté son expertise pour la réalisation d’une enquête nationale de dépistage des anticorps dirigés contre la COVID-19.
Une technique très peu effractive
John Kim (Ph. D.), chef du Laboratoire national pour les services de référence sur le VIH du LNM, et son équipe utilisent la technique d’analyse de gouttes de sang séché pour faire des tests sérologiques afin de déterminer si une personne a déjà été infectée par des germes comme le coronavirus responsable de la COVID-19. Cette équipe prend part à de multiples études de mesure des anticorps chez des populations comme les personnes qui fréquentent les établissements de soins de longue durée ou des services correctionnels, les membres du personnel enseignant, les populations LGBTQ2+ et les personnes enceintes.
L’analyse de gouttes de sang séché est une méthode de collecte d’échantillons sanguins très peu effractive. La personne se pique le doigt, puis place une goutte de sang sur un papier filtre spécial. Le sang sèche sur le papier, puis l’échantillon est envoyé au LNM aux fins d’analyse. Le prélèvement est assez simple à faire et n’exige pas de professionnel de la santé formé en veinopuncture (méthode habituelle de prélèvement de sang au moyen d’une seringue). Cette technique est particulièrement utile dans les régions éloignées, où les gens n’ont peut-être pas accès à des cliniques qui fournissent des services de prélèvement sanguin selon la méthode habituelle. Les échantillons sont plus faciles à transporter et il y a moins de risques qu’ils se gâtent. Cette méthode est plus facile d’accès pour les personnes qui n’aiment pas se faire piquer ou qui souhaitent se faire dépister de manière anonyme.
Des trousses d’autoprélèvement rendent possible la tenue d’une enquête nationale
En partenariat avec le Groupe de travail sur l’immunité face à la COVID-19 (GTIC), le LNM a récemment joué un rôle important dans l’Enquête canadienne sur la santé et les anticorps contre la COVID-19 de Statistique Canada. Les responsables de l’étude ont envoyé des trousses d’analyse de gouttes de sang séché à domicile pour recueillir des échantillons de sang, qui ont ensuite été analysés pour voir combien de personnes au Canada ont des anticorps dirigés contre la COVID-19. Avec ses plus de 10 000 participants, il s’agit à ce jour de la plus grande enquête canadienne ayant utilisé une méthode d’autoprélèvement. Les données ont été recueillies de novembre 2020 à avril 2021.
« Nous voulions poser deux questions : qui avait la COVID-19 et dans quelle mesure les vaccins sont-ils efficaces? », dit M. Kim.
Ces recherches ont aidé les scientifiques à mieux comprendre la propagation du coronavirus et ses effets au sein de la population canadienne, la réponse immunitaire des Canadiennes et des Canadiens à la vaccination ainsi que le portrait sociodémographique des personnes infectées. Les constatations ont aussi fait la lumière sur le nombre au Canada de personnes infectées asymptomatiques, c’est-à-dire qui n’ont pas de symptômes du tout ou qui n’ont que de très légers symptômes et qui ne se sont pas fait dépister. (Découvrez les résultats de l’étude ici.)
Le LNM a joué un rôle essentiel et a fourni du matériel, de la formation et des services d’analyse au projet. M. Kim et une équipe de chercheurs de partout au pays ont fixé la méthode d’essai utilisée pour le traitement des échantillons de gouttes de sang séché en vue de déterminer l’état immunitaire des membres de la population canadienne. Ils ont utilisé des échantillons de gouttes de sang séché pour comparer l’exactitude et la fiabilité des tests. Ils ont aussi aidé au stockage des échantillons et à leur transport vers des laboratoires spécialisés aux fins d’analyse. De plus, le LNM a utilisé les données de modèles mathématiques pour évaluer différentes projections ayant contribué à guider les mesures devant être prises pour réduire au minimum les effets du coronavirus dans certaines collectivités.
Il y aura un deuxième cycle de ce sondage en avril 2022.
Succès de bon augure pour les futures études
Le dépistage d’anticorps au moyen de trousses d’analyse de gouttes de sang séché s’est avéré une méthode très efficace pour analyser des échantillons sanguins de milliers de personnes de partout au Canada puisque les trousses sont faciles à distribuer, à utiliser et à retourner. Sans l’analyse de gouttes de sang séché, il n’aurait pas été possible de faire subit des tests à un échantillon aussi représentatif de personnes au Canada. À mesure que l’utilisation de la technique d’analyse de gouttes de sang séché se répand, elle rend possible la réalisation d’études au sein de populations comme les enfants et dans des milieux comme le milieu correctionnel et bien d’autres, ce qui aide les chercheurs à réunir des échantillons de population plus représentatifs grâce à des taux de participation accrus.
M. Kim est d’avis que le succès de l’étude ouvrira la voie aux activités futures du LNM en matière de dépistage d’autres maladies infectieuses. Au cours des dernières années, le LNM a fourni des tests de gouttes de sang séché à des populations à risque des Premières Nations, des Métis et des communautés isolées pour procéder au dépistage des ITSS comme l’infection à VIH, l’hépatite C et la syphilis. Ces travaux avaient pour but d’aider les gens prendre davantage conscience de leur état de santé et, en fin de compte, de réduire les taux de maladie par une augmentation de l’accès au dépistage et une réduction de la stigmatisation entourant le dépistage.
Le LNM prévoit continuer son déploiement de l’analyse de gouttes de sang séché et de formation ciblée dans les communautés des Premières Nations et des Métis, de même que dans les communautés isolées. Ces travaux abordent directement plusieurs des principaux piliers décrits dans le plan d’action quinquennal du gouvernement du Canada sur les ITSS dans l’esprit de la vérité et de la réconciliation ainsi que dans un but d’innovation communautaire. Des options de dépistage novatrices, comme l’analyse de gouttes de sang séché, aident à joindre les personnes non diagnostiquées par la réduction de la stigmatisation et de la discrimination associées aux méthodes de dépistage habituelles.
« L’étude sur la COVID-19 menée avec le GTIC et Statistique Canada a montré que les personnes sont en mesure de prélever leurs propres échantillons sanguins. Ça augure bien pour nous alors que nous souhaitons commencer à encourager une utilisation accrue de l’analyse de gouttes de sang séché. De plus en plus de Canadiennes et de Canadiens vont connaître cette méthode et l’accepter comme moyen d’en savoir plus sur leur état de santé », affirme M. Kim. « Grâce à ces connaissances, les Canadiennes et les Canadiens pourront prendre des mesures pour améliorer leur santé et aller chercher des soins au besoin. »