Tout petit labo, très grandes percées

Chaque minute compte lors d’une éclosion de maladie d’origine alimentaire. Les autorités sanitaires doivent rapidement détecter le pathogène à l’origine de l’éclosion (p. ex. bactéries E. coli, salmonelles, listérias) pour éviter des infections, et dans les cas graves, des morts dans la population canadienne.

Les microbiologistes disposent des outils nécessaires pour identifier les pathogènes, mais le processus est parfois long et aurait besoin d’être mis à jour dans certains cas. Santé Canada et le Conseil national de recherches du Canada (CNRC) ont décidé de s’allier pour s’attaquer à ce problème.

Le fruit de leur collaboration sur dix ans, une technologie de laboratoire sur puce qui détecte rapidement les pathogènes dans les aliments, devrait révolutionner les analyses microbiologiques et plusieurs autres domaines de recherche.

Un laboratoire qui génère rapidement des résultats

Avec l’équipement de laboratoire traditionnel, les microbiologistes doivent préparer un échantillon, laisser les microorganismes grandir dans des conditions optimales, isoler les bactéries puis les analyser. L’identification d’un pathogène peut prendre plusieurs jours, car il faut beaucoup de temps et d’équipement pour analyser les échantillons.

Avec la nouvelle technologie de laboratoire sur puce, les scientifiques passent par les mêmes étapes, mais le processus est beaucoup plus rapide et se déroule dans un laboratoire miniature placé sur une puce de la taille d’une carte de crédit. Une fois l’échantillon d’aliment préparé, les scientifiques insèrent les puces dans un appareil, appelé PowerBlade, relié à un ordinateur. L’appareil traite automatiquement l’échantillon d’aliment et le mélange aux substances chimiques et aux enzymes sur la puce qui servent à détecter les pathogènes. Une heure et demie suffit maintenant pour obtenir des résultats qui se font autrement attendre des jours.

« La technologie de laboratoire sur puce est comme un équivalent moderne de la bandelette réactive. Si un échantillon d’aliment est contaminé par un pathogène, une couleur particulière apparaît sur la puce », dit Nathalie Corneau, scientifique à Santé Canada, qui a contribué à la création de puces détectrices de pathogènes pour l’appareil PowerBlade. « Cette technologie présente aussi l’avantage d’être simple à utiliser, ce qui signifie qu’il est plutôt facile d’enseigner son utilisation à la plupart des techniciens de laboratoire, peu importe où ils se trouvent au Canada. »

Un exemple de laboratoire sur puce, de la taille d’une carte de crédit environ, qui peut être utilisé pour la détection rapide de pathogènes d’origine alimentaire.

Un exemple de laboratoire sur puce, de la taille d’une carte de crédit environ, qui peut être utilisé pour la détection rapide de pathogènes d’origine alimentaire.

Un laboratoire pour tous les milieux

Ce n’est pas la totalité des fermes, des producteurs d’aliments, des entreprises de transformation d’aliments et des collectivités isolées qui a accès à des installations de pointe permettant une détection rapide des pathogènes d’origine alimentaire en cas d’éclosion. C’est pourquoi les technologies de laboratoire sur puce, comme la technologie PowerBlade, sont si importantes : elles améliorent les analyses hors laboratoire. Grâce à ces nouvelles technologies, les Canadiens de partout au pays n’auront plus à attendre des jours avant d’obtenir des résultats et seront mieux outillés pour intervenir d’urgence en cas de problème. De plus, la portabilité de ces nouvelles technologies signifie qu’elles peuvent être utilisées presque partout, y compris dans l’espace!

Un laboratoire qui pourrait être utile dans l’espace

En plus d’améliorer la détection des pathogènes d’origine alimentaire ainsi que les analyses hors laboratoire, la technologie PowerBlade, aussi appelée MicroPREP, pourrait être très utile pour les astronautes. Les astronautes qui sont envoyés dans l’espace doivent recueillir des données générées par divers tests. Comme vous pouvez vous l’imaginer, leur temps est habituellement très limité. C’est là qu’intervient la technologie PowerBlade.

« MicroPREP permettrait d’automatiser la préparation des échantillons biologiques (sang, urine, etc.) dans un milieu compatible avec la microgravité. C’est un peu comme le prêt-à-manger de l’analyse biomédicale dans l’espace », explique Denis Charlebois, scientifique principal de l’exploration à la division Astronautes, Science de la vie et médecine spatiale de l’Agence spatiale canadienne. « MicroPREP ouvre la voie à une vaste gamme de techniques d’analyse qui seraient autrement difficiles ou même impossibles à réaliser sans cette technologie à la fine pointe. MicroPREP est une technologie très prometteuse qui pourrait permettre de reproduire des techniques d’analyse utilisées sur la Terre dans le contexte de l’exploration spatiale. »

MicroPREP : des percées dans la purification des échantillons - Transcription

Daniel Brassard : Ce qu’on développe dans le cadre du projet MicroPREP c’est une nouvelle plate-forme microfluïdique, donc une nouvelle plate-forme de contrôle de liquides qui offre un beaucoup plus grand niveau de contrôle, de complexité par rapport à ce qui était disponible dans le passé.

Même si l’astronaute peut être entraîné pour faire des tests biologiques dans l’espace, il n’a généralement pas le temps pour être capable de faire un nombre de tests qui est suffisant. Donc la technologie qu’on pousse de l’avant c’est fondamentalement une technologie qui permet d’automatiser les manipulations de liquides.

Tout ça se fait à l’intérieur d’une petite cartouche qui est à peu près la taille d’une carte de crédit, qui contient des réservoirs, des canaux. L’appareil va venir automatiser le déplacement des liquides à l’intérieur pour effectuer, répliquer le test qui normalement serait fait par un technicien.

Également, on image bien que tout ça pourra avoir un impact très important sur Terre parce qu’il y a plusieurs tests qu’on va être capable de déployer dans des environnements où le laboratoire n’est pas disponible.

Donc ça vient comme une belle surprise de pouvoir travailler sur des applications qui ont une retombée, ben, à la fois pour des applications spatiales mais également des retombées terrestres très importantes.