Bref historique de l’exploration de la région de la Coppermine

Rédigé par Pat Hunt

Les Kitlinermiut vivent dans la région de la rivière Coppermine depuis des millénaires. Les premiers explorateurs les nommaient « les Inuits du cuivre », parce qu’ils ramassaient ce métal des rives de la Coppermine. Ce sont d’ailleurs les rumeurs de la présence de cuivre et d’autres minéraux qui ont attiré les explorateurs occidentaux dans la région.

En 1771, Samuel Hearne explore la région et, à sa troisième tentative, atteint à pied l’embouchure de la Coppermine à partir de Churchill (Manitoba), une distance d’environ 1 700 km. Sa réussite en tant qu’explorateur est grandement attribuable à son adaptation au mode de vie et à la façon de voyager de ses guides autochtones. Malheureusement, il est entraîné dans un conflit ethnique le jour où ses guides croisent un groupe de chasseurs d’un peuple inuit ennemi. Témoin du meurtre de 20 Inuits, Hearne nomme l’endroit du carnage Bloody Falls et il écrira ne pouvoir jamais se remémorer les événements de ce jour épouvantable sans pleurer. Sa déception à l’égard de la région, et de son potentiel minier, sera encore plus profonde lorsque des fouilles exhaustives se solderont par la découverte d’un seul morceau de cuivre de quatre livres.

En 1900, J. « Mac » Bell – neveu de Robert Bell, géologue réputé de la Commission géologique du Canada – et Charles Camsell entament leur campagne d’exploration du Grand lac de l’Ours et de la rivière Coppermine pour le compte de la Commission géologique du Canada. Bell engage deux guides métis ainsi que Charles Bunn, jeune Américain en quête d’aventure. Ils se rendent à Fort Norman à bord d’un navire à vapeur pour ensuite remonter la rivière Great Bear en canot jusqu’au Grand lac de l’Ours. Pendant plusieurs mois, ils exploreront la rive nord du lac et effectueront une incursion dans les terres en remontant la rivière Dease jusqu’à la Coppermine. Camsell et Bell décident ensuite de quitter le groupe en vue d’explorer la région plus en profondeur.

En canot sur la rivière Dease en direction de la rivière Coppermine.
En canot sur la rivière Dease en direction de la rivière Coppermine. Photo prise par George M. Douglas, Lands Forlorn: A Story of an Expedition to Hearne's Coppermine River, 1912.

Près des lacs Dismal, ils rencontrent un groupe d’Inuits, qui s’enfuient à la vue de ces hommes étranges. Bell et Camsell se servent dans la cache de viande des Inuits et leur laissent, en contrepartie, une assiette en fer-blanc et deux aiguilles en acier. Ils découvriront plus tard que les Inuits les avaient suivis pendant deux jours pour s’assurer de leur départ, mais avaient dû conclure qu’ils étaient gentils, puisqu’ils leur avaient laissé des objets si précieux. Dès leur retour au Grand lac de l’Ours, Bell et Camsell apprennent que Charles Bunn, l’aventurier américain, séparé de son guide, s’est perdu.

Ils chercheront Bunn longtemps, mais devront abandonner pour reprendre leur périple. Camsell et Bell redescendent vers le sud par la rivière Camsell, puis par voie terrestre jusqu’au Grand lac des Esclaves. Ils n’ont parcouru que la moitié du trajet lorsqu’ils comprennent qu’ils n’arriveront pas à destination avant que l’hiver s’installe. Par chance, ils rencontrent des Plats-Côtés-de-Chien qui leur indiquent le chemin à prendre, de sorte qu’ils arrivent sains et saufs à Fort Rae au bord du Grand lac des Esclaves. La chance sourira également à Bunn : après huit jours d’errance, il croise des Autochtones qui le ramènent à Fort Norman par le fleuve Mackenzie.

En 1911 et 1912, une expédition privée de trois hommes est organisée en vue d’explorer et de cartographier en détail la rivière Coppermine. Le directeur de l’expédition, George M. Douglas, son frère Lionel et le géologue August Sandbury quittent donc Edmonton à bord d’une barge d’York, navire de charge solide, en direction du cours supérieur de la rivière Great Bear.

Barge d’York sur le Grand lac de l’Ours
Barge d’York sur le Grand lac de l’Ours (Douglas, Lands Forlorn)

Là, les membres de l’équipe halent la barge pour remonter les nombreux rapides de la rivière Great Bear. Ils traversent ensuite le lac houleux jusqu’à l’embouchure de la rivière Dease à la pointe nord-est. Lionel Douglas y restera pour bâtir une cabane en prévision de l’hiver; son frère George et August Sandbury pagaient, marchent et font du portage pour remonter la rivière Dease jusqu’aux lacs Dismal, puis descendront la rivière Kendall. Enfin, ils atteignent la Coppermine, qu’ils exploreront et cartographieront avant de retourner à la cabane.

En attendant la fin de l’hiver au Grand lac de l’Ours
En attendant la fin de l’hiver au Grand lac de l’Ours (Douglas, Lands Forlorn)

AAprès un long hiver, l’équipe Douglas retourne à la rivière Coppermine à pied et en traîneau à chiens. Les trois hommes réussissent à atteindre le golfe Coronation, au large de la côte nord du Nunavut continental. En cours de route, ils rencontreront des Inuits du cuivre. Pendant cette expédition, ils resteront et se lieront d’amitié avec deux personnages au destin tragique. Le premier est le père Rouvière qui, avec un autre prêtre, sera assassiné par des Inuits près de l’embouchure de la Coppermine l’année suivante. Le second est John Hornby, qui mourra de faim avec son neveu de 18 ans et un autre jeune homme en 1927, sur la rivière Thelon.

Ces expéditions et d’autres qui y ont été menées ont montré que cette contrée isolée et inhospitalière pouvait s’avérer un lieu sauvage et dangereux où seuls les mieux préparés pouvaient survivre.

Rédigé par Pat Hunt

Références :

Le premier compte rendu de l’exploration de la région de la rivière Coppermine est celui qu’a présenté Samuel Hearne en 1771.

J. M. Bell et Charles Camsell ont décrit leurs campagnes d’exploration réalisées en 1900 dans le rapport annuel de la Commission géologique du Canada, volume XIII, p. 95A-103A, qu’il est possible de télécharger à l’adresse : https://doi.org/10.4095/225151. Jean S. McGill traite aussi de leurs aventures dans Northern Adventures, 1974. J’ai le document en PDF et je peux le prêter.

George M. Douglas s’est lancé dans une expédition d’envergure vers la Coppermine en 1911. Il a publié son histoire dans Lands Forlorn: A Story of an Expedition to Hearne's Coppermine River, 1912. Il est possible de télécharger l’ouvrage à https://archive.org/details/landsforlornstor00douguoft

Vilhjalmur Stefansson a exploré l’Arctique pendant plusieurs années et a beaucoup navigué sur la rivière Coppermine. Le récit de ses aventures a été publié dans My life with the Eskimo, 1908, qu’on peut télécharger à : https://archive.org/details/mylifewitheskim00andegoog

L’équipe sud de l’expédition canadienne dans l’Arctique de 1913 à 1916 a publié les résultats de l’exploration menée dans la région de la Coppermine. On peut les consulter dans le « Volume XI : Géologie et géographie » du Rapport de l’Expédition canadienne dans l’Arctique 1913-1918. Il est possible d’en télécharger la carte géographique à https://doi.org/10.4095/107422; la description que fait l’équipe de la région de la Coppermine ne fait toutefois que répéter les éléments du compte rendu de Georges Douglas; les données géologiques sont également les mêmes.