Accroître les connaissances : Santé Canada prend les grands moyens pour examiner les effets de l’exposition aux substances chimiques sur les humains

Cet article est le premier d’une série de cinq articles sur l’exposition aux substances chimiques pendant la grossesse et l’enfance.

 

Depuis 2007, une équipe de scientifiques de Santé Canada travaille à une étude ambitieuse et pluriannuelle sur les composés chimiques de l’environnement et leurs effets possibles sur la santé des mères et des enfants, à partir de la grossesse et tout au long du développement de l’enfant, depuis la petite enfance jusqu’à l’adolescence.

 

Première en son genre au Canada, l’Étude mère-enfant sur les composés chimiques de l’environnement (étude MIREC) a depuis été à l’origine de nombreuses découvertes scientifiques majeures qui aident aujourd’hui à protéger les mères et leurs enfants des risques d’exposition aux substances chimiques.

« Avant l’étude MIREC, très peu d’études avaient été faites sur la grossesse et l’exposition aux substances chimiques. En fait, la majorité des études ciblaient des hommes adultes », souligne Tye Arbuckle (Ph.D.), cochercheur principal de l’étude MIREC. « Les enfants ne sont pas de petits adultes! Ils sont plus sensibles à l’exposition aux substances chimiques, et ce, dès le moment de leur conception. »

« Nous avions la grande ambition de suivre des enfants au fil du temps, pour examiner les substances chimiques auxquelles ils ont été exposés in utero et voir si cette exposition pourrait avoir des effets à long terme », explique Mandy Fisher, épidémiologiste principale à Santé Canada. « Nous avons d’abord suivi les enfants à 6 mois, puis entre 2 et 5 ans, et enfin à la puberté. Je pense que ce que nous avons pu apprendre de ces sujets est fascinant. »

« Cette étude s’intéressait seulement aux femmes enceintes et à leurs enfants, mais elle nous permet de mieux comprendre les répercussions de ce qui se passe dans le ventre de la mère », ajoute Robin Shutt, coordonnatrice principale de l’étude, à Santé Canada. « La grossesse est une période vraiment particulière, car les fonctions normales de protection du corps changent considérablement. »

En collaboration avec des partenaires du milieu universitaire et du domaine de la recherche clinique partout au pays, les chercheurs ont commencé par étudier les femmes enceintes en début de grossesse. Les femmes choisies pour participer à l’étude, qui venaient de dix villes du Canada, ont rempli un questionnaire et ont fourni des échantillons de sang et d’urine à plusieurs reprises tout au long de la grossesse et après l’accouchement.

Forts des informations recueillies, les chercheurs ont pu ensuite examiner la santé de nouveau-nés et des jeunes enfants jusqu’à l’adolescence.

En particulier, l’étude MIREC mesurait les concentrations de métaux et de substances chimiques, comme le plomb, le mercure, les phtalates et le bisphénol A (BPA) dans les cheveux, le lait, l’urine et le sang de la mère.

Les chercheurs ont aussi mesuré les concentrations des mêmes métaux et substances dans les premières selles du nouveau-né et dans son sang ombilical après la naissance.

 

Plateforme de recherche MIREC

Plateforme de recherche MIREC

L’image présente les phases importantes de la plateforme de recherche MIREC. Les éléments clés du projet sont :

  • MIREC (2008-2012) – Santé de la mère et création de la biobanque : Grossesse et naissance
  • MIREC-ID (2009-2012) – Issues de grossesse, développement du nourrisson et mesures endocriniennes : naissance à 6 mois
  • MIREC-CD plus (2013-2015) – croissance et neurodéveloppement de l’enfant : 2 à 5 ans
  • MIREC-ENDO phase 1 (2018-2021) – puberté et marqueurs métaboliques chez la mère et l’enfant : 7 à 9 ans
  • MIREC-ENDO phase 2 (2022-2024) – puberté, stress et marqueurs métaboliques chez l’enfant : 10 à 12 ans
  • MIREC-ENDO phase 3 (2024-2027) – 13 à 15 ans

Pendant toutes ces phases, la biobanque collecte et fourni des données de recherche et des spécimens biologiques.

 

Depuis son lancement, l’étude MIREC s’est enrichie jusqu’à compter l’un des ensembles de données les plus complets au monde sur l’exposition prénatale aux substances chimiques de l’environnement. Jusqu’à présent, elle a suivi pendant plus de dix ans près de 2 000 femmes et leurs enfants dans dix villes canadiennes.

« L’étude MIREC a, certes, des objectifs à court terme », indique Mme Fisher. « Mais elle a aussi un objectif à long terme. Si nous pouvons continuer à suivre cette cohorte, nous pourrons examiner les effets à long terme sur la santé des enfants, comme la fertilité, et l’âge de la ménopause chez les mères en relation avec l’exposition aux produits chimiques plus tôt dans leur vie. Il y a tellement de possibilités, si la cohorte continue à être suivie! »

Les chercheurs de l’étude MIREC recueillent maintenant des informations sur ces enfants au fil du temps jusqu’à ce qu’ils deviennent des adolescents. Ce type d’étude de cohorte est idéal pour examiner les tendances dans le temps et voir si des changements se produisent au cours d’une génération donnée.

Constatations

Grâce aux données recueillies auprès des participants à l’étude MIREC, les chercheurs ont publié plus de 80 articles scientifiques dans des revues à comité de lecture, articles dans lesquels ils exposent en détail leurs conclusions.

On parle d’informations sur l’exposition aux substances chimiques comme le plomb et l’arsenic, et d’autres sont à venir. Plus de 100 chercheurs et stagiaires continuent d’analyse les données recueillies dans le cadre de divers projets de recherche.

Tout au long de l’étude, les chercheurs ont prélevé des échantillons (de sang et d’urine notamment) et les ont entreposés dans un congélateur (biobanque). Les échantillons recueillis sur plusieurs années pourront être utilisés pour mener d’éventuelles recherches sur la santé des mères et de leurs enfants, sous réserve de la disponibilité de fonds.

Par exemple, il est prévu d’étudier les effets du cannabis sur le développement neurologique des enfants.

« Il y a tellement d’éléments dans l’équation, et l’étude MIREC peut fournir l’un de ces éléments », déclare Jillian Ashley-Martin, chercheuse scientifique et cochercheuse principale de l’étude MIREC. « Le projet nous apprend des choses intéressantes sur le risque associé à ces expositions aux substances chimiques. »

« Dans le cadre de nos recherches, nous avons relevé jusqu’à maintenant des associations entre l’exposition aux substances chimiques et leurs répercussions sur la santé. Nous ne sommes pas encore capables de déterminer la cause de l’effet sur la santé observé », explique M. Arbuckle. « Pour trouver la cause, il faudrait que de nombreuses études menées auprès de populations différentes aboutissent aux mêmes résultats. Nous n’y sommes pas encore, mais l’étude MIREC s’est avéré être une base solide sur laquelle nous pouvons continuer à faire fond. »

Prochaines étapes

Après l’étude initiale, l’équipe a conçu de nombreuses études de suivi qui font maintenant partie de la plateforme de recherche de l’étude MIREC. Les chercheurs ont gardé contact avec plus de 1 400 mères et leurs enfants. Ils continuent à suivre les enfants participants alors qu’ils deviennent des adolescents et examinent l’effet de l’exposition aux substances chimiques sur l’apparition de la puberté.

Il est actuellement prévu que l’étude prenne fin en 2028. « Une des questions que nous nous posons souvent, c’est pourquoi devons-nous continuer d’étudier la grossesse? Ne sommes-nous pas arrivés au bout? Je ne pense pas que ce soit le cas », mentionne Mme Ashley-Martin. « Nous ne devons pas arrêter d’étudier les personnes enceintes parce que nous sommes encore en train d’apprendre à quel point la grossesse est une période de vulnérabilité. Nous étudions les gens tout au long de leur vie. »

Dans l’avenir, les chercheurs espèrent étudier les effets des substances chimiques sur la ménopause. « J’aimerais me pencher davantage sur la ménopause chez les mères ayant participé à l’étude MIREC », mentionne la Dre Maria Velez, professeure agrégée au Département d’obstétrique et de gynécologie de l’Université Queen’s et chercheuse principale du site de Kingston de l’étude MIREC. « Ce que je voudrais faire, c’est mesurer les concentrations d’AMH (l’hormone anti-müllerienne, une hormone produite dans les ovaires qui est un indicateur de la réserve ovarienne) puis voir comment elles changent au fil du temps. Si nous pouvons comparer les concentrations précédentes et les concentrations actuelles, nous pouvons faire des comparaisons en fonction de l’exposition à certaines substances chimiques. »


L’étude MIREC est un élément essentiel du Plan de gestion des produits chimiques. Ce plan vise à réduire les risques que présentent les substances chimiques pour la population canadienne et leur environnement en évaluant les substances qui sont utilisées au Canada et en intervenant lorsqu’elles s’avèrent nocives pour la santé humaine ou pour l’environnement.

Les études de ce type servent à informer les décideurs et peuvent les aider à orienter leurs actions pour changer l’avenir.

Ne manquez pas les autres articles sur les études MIREC aux différents stades de la vie des mères et de leurs enfants qui seront publiés au cours des semaines à venir.

Prochain article : Ce que toutes les mères doivent savoir sur l’exposition aux substances chimiques pendant la grossesse.

Pour en savoir plus

Plateforme de recherche de l’Étude mère-enfant sur les composés chimiques de l’environnement (MIREC)

MIREC Canada