Une épidémie en vue : les scientifiques qui pistent les maladies depuis l’espace

Que voyez-vous lorsque vous regardez le ciel la nuit? Quelques constellations, l’étoile Polaire, ou peut-être la lune. Nous avons tendance à penser à l’espace de notre point de vue depuis le sol, mais qu’en est-il du regard de l’espace vers la terre? C’est dans cette perspective qu’une équipe spéciale de chercheurs de l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC) étudie notre monde, en utilisant la technologie spatiale pour suivre les maladies.

Une façon hors du commun d’étudier les maladies infectieuses

Stéphanie Brazeau est à la tête de l’équipe de géomatique du Laboratoire national de microbiologie (LNM) de l’ASPC à Saint-Hyacinthe, au Québec. L’équipe adopte une approche originale pour étudier les maladies infectieuses, comme la maladie de Lyme, le virus du Nil occidental et la COVID-19, à l’aide de données recueillies grâce aux satellites d’observation de la Terre ou de données géographiques. Au cours des dix dernières années, les membres de l’équipe ont collaboré avec l’Agence spatiale canadienne (ASC) pour faire progresser l’application des technologies spatiales et des données géospatiales en santé publique. Cette collaboration s’est transformée en un partenariat fructueux et, récemment, l’ASPC et l’ASC ont codirigé la rédaction d’un ouvrage sur le sujet, intitulé Earth Observation, Public Health and One Health.

Cet ouvrage, coédité par Mme Brazeau et le Dr Nicholas Ogden, Directeur, Science des risques pour la santé publique, traite de la façon dont les scientifiques utilisent l’imagerie satellitaire pour étudier et surveiller l’environnement, le climat et les facteurs sociaux qui peuvent expliquer où et quand les maladies infectieuses et chroniques se manifestent. Cette publication peut être consultée gratuitement en ligne ici (en anglais uniquement). La partie « One Health » du titre de l’ouvrage fait référence à la pratique consistant à réunir des experts de la santé humaine, animale et environnementale pour soutenir des actions de santé publique fondées sur des preuves, étant donné que ces domaines sont interreliés. L’ouvrage, auquel ont contribué 30 coauteurs internationaux, est un exemple de cette idée en action.

Qu’est-ce que la géomatique?

Essentiellement, la géomatique repose sur la collecte et l’analyse de données géographiques – notamment des données environnementales comme la végétation, des données climatiques comme la température et des données sur les cas de maladie. Tous ces facteurs s’entrecroisent pour dresser un tableau des endroits où il existe un risque de maladies infectieuses.

« Bien sûr, nous ne pouvons pas voir les maladies comme le virus du Nil occidental sur nos images satellites », explique Mme Brazeau. « Nous recherchons les signes qui indiquent que la maladie pourrait apparaître ou se déplacer dans une zone. Différentes conditions sont favorables à différentes maladies. Le virus du Nil occidental peut se propager au gré des changements de température et d’humidité du sol, et nous pouvons alors dire que les moustiques qui transmettent la maladie peuvent être présents dans des zones repérées grâce aux données satellitaires. »

L’équipe se sert d’images spéciales prises par des satellites pour trouver ces endroits à risque. « En combinant les informations sur l’habitat et les conditions climatiques, l’équipe de géomatique peut créer des cartes de risques pour diverses maladies infectieuses. Ces cartes nous permettent d’aider les professionnels de la santé publique dans leur travail », explique Mme Brazeau.

Ces informations facilitent la localisation des zones où il convient d’intensifier la surveillance des maladies infectieuses et des personnes à risque, et aident les gouvernements à prendre des décisions pour limiter la propagation des infections.

Un exemple récent de ce travail en action est celui des cartes et des tableaux de bord de l’équipe de géomatique qui fournissent des informations sur la pandémie de COVID-19 au niveau de la santé régionale, notamment en précisant où se trouvent les foyers infectieux. En recensant le nombre de cas de COVID-19 pour 100 000 personnes et en le comparant aux doses de vaccins administrées, il est possible d’obtenir une carte qui permet d’évaluer l’effet de la vaccination sur le taux d’infection.

Soutenir les interventions de santé publique

Les informations reçues des satellites d’observation de la Terre et les données géographiques aident les scientifiques à déceler les changements et les conditions qui peuvent être favorables à une épidémie. Elles peuvent soutenir les interventions de santé publique en cas d’épidémie en localisant les populations à risque et vulnérables. Les cartes qui en résultent permettent de cibler les interventions sur les zones les plus à risque.

Les satellites d’observation de la Terre, par leurs capacités, et les données géographiques ont complètement révolutionné et modernisé la façon dont nous étudions les maladies infectieuses. L’équipe de géomatique peut travailler à l’évaluation des régions éloignées du pays à partir du LNM avec plus de précision, plus de rigueur et plus de profondeur que jamais auparavant.