Les modèles 3D fournissent des indications sur le comportement des variants du virus causant la COVID-19

Lorsqu’un nouveau variant du virus à l’origine de la COVID-19 fait son apparition, comme le plus récent variant préoccupant nommé Omicron, les scientifiques veulent en apprendre le plus possible sur lui, dans le plus court laps de temps possible. Ils ne cherchent pas seulement à en comprendre les modifications génétiques, ils veulent savoir quelles en seront les conséquences potentielles, par exemple s’il se répandra plus facilement ou provoquera une maladie plus grave.

Daniel Beniac, un scientifique qui travaille au Laboratoire national de microbiologie (LNM) de l’Agence de la santé publique du Canada, crée des modèles informatiques tridimensionnels (3D) des variants du virus resonsable de la COVID-19 pour prédire si certaines mutations mènent à une infectiosité accrue.

Certains virus, dont celui qui provoque la COVID-19, ont sur leur surface des protéines de spicule (des structures en forme de couronne) qui leur permet de se lier à une protéine particulière qui se trouve à la surface d’une cellule puis d’infecter cette dernière. Ce système de modélisation informatique génère des modèles 3D pour évaluer virtuellement si certaines mutations de la protéine de spicule du virus causant la COVID-19 se traduisent par une meilleure liaison. Si les mutations permettent au virus de se lier plus facilement à une cellule, cela pourrait vouloir dire que le virus est plus transmissible. Bien que cette méthode n’examine pas les répercussions des mutations ailleurs dans le virus, elle permet de savoir comment la mutation agit.

Les microscopes électroniques offrent un point de départ

Les microscopes électroniques sont utilisés pour générer des images à haute résolution. Ils fonctionnent en accélérant un faisceau d’électrons et en le projetant à travers le spécimen. Pour mener à bien ce travail, les protéines de spicule et les protéines de récepteur cellulaire sont fabriquées en laboratoire, purifiées, observées au microscope électronique et analysées par ordinateur. Il en résulte la production d’une structure 3D de la protéine spiculaire de liaison, qui constitue le point de départ de la création d’un modèle 3D. Cette structure peut ensuite servir de plate-forme pour générer des modèles 3D des nouveaux variants au fur et à mesure de leur apparition. Pour cela, un ordinateur insère les mutations trouvées dans un variant, qui sont ensuite analysées pour mesurer l’effet du variant.

Pendant la phase de développement, M. Beniac a souvent passé de longues heures à traiter manuellement des centaines, voire des milliers, de modèles de spicules pour chaque variant afin de tester la liaison aux récepteurs. À un certain moment, le travail manuel a été remplacé par un processus automatisé exécuté par un ordinateur puissant. Cette grande capacité de traitement des données a permis de réduire à un jour ou deux le délai d’obtention de résultats qui était auparavant de plusieurs jours ou de plusieurs semaines.

« L’un des avantages réels du LNM est que le laboratoire comporte une partie virologie et biologie des protéines qui nous permet de travailler avec ces agents pathogènes et ces protéines. Nous pouvons ensuite utiliser la microscopie électronique et l’analyse computationnelle pour étudier la biologie structurelle de ces protéines », a déclaré M. Beniac. « Le LNM nous offre le meilleur des deux mondes ».

Tous ces efforts ont porté leurs fruits lorsque les premiers résultats ont montré qu’il était possible de modéliser et d’analyser en 3D la mutation du virus. M. Beniac a étudié tout particulièrement la mutation N501Y présente dans les variants Alpha, Beta, Gamma et Omicron et a pu détecter une augmentation de la capacité de liaison pour cette mutation.

Un dispositif d’alerte précoce

Ce système de modélisation a été mis au point dans le but de combler le vide entre le séquençage des variants (qui fournit des informations génétiques sur les modifications du virus) et le moment où les données épidémiologiques (des données sur la distribution d’une maladie parmi la population par quartier, ville, province ou pays) commencent à être accessibles. Alors que de nouveaux variants comme Omicron continuent d’apparaître, ces modèles de domaines de liaison aux récepteurs constituent un outil supplémentaire que les scientifiques utilisent pour comprendre en partie le comportement du virus, la manière dont il peut être transmis et la façon dont notre organisme y réagit. « C’est censé être un outil directionnel, comme une boussole, qui nous aide à anticiper les effets du virus lorsqu’il présente cette mutation et nous envoie dans une direction particulière pour ce qui est des politiques de santé publique », explique M. Beniac. « Nous pouvons le considérer comme un dispositif d’alerte précoce ».

Ces modèles peuvent contribuer à orienter dans une certaine direction la recherche sur les variants émergents et à soutenir la prise de décisions liées aux mesures de santé publique. À titre d’exemple, si le modèle montre qu’une certaine mutation trouvée dans un variant ne joue pas du tout sur la liaison, mais que le variant devient dominant dans une communauté, il peut aider à expliquer pourquoi et à circonscrire la cause pour les scientifiques – peut-être s’agit-il plutôt d’un problème d’évasion immunitaire. En outre, puisque cette technique recherche précisément les mutations dans le domaine de liaison des récepteurs, elle nous permet de savoir que les mutations qui se produisent ailleurs dans le variant peuvent avoir une incidence sur la propagation du virus. Les variants préoccupants et l’évasion immunitaire peuvent tous les deux réduire l’efficacité des vaccins, c’est pourquoi les scientifiques sont toujours à l’affût.

Cette méthode de modélisation en 3D est encore en cours de perfectionnement, mais M. Beniac espère qu’elle deviendra un outil qui sera utilisé à l’avenir. Dans la figure ci-dessous, le panneau (C) montre un exemple de modèle créé à partir d’une structure à résolution atomique.

« Nous pourrions avoir davantage de ces variants à l’avenir », déclare M. Beniac. « Toutes les informations que nous pouvons obtenir sur ces variants sont essentielles pour nous guider quand de nouvelles mutations apparaîtront. »

 

SRAS-CoV-2, une idée des proportions
SRAS-CoV-2, une idée des proportions (la description longue se trouve sous l'image)

 

Description de SRAS-CoV-2, une idée des proportions

(A) Image de SRAS-CoV-2, le virus a un diamètre d’environ 120 nanomètres (soit 120 x10-9 mètres; à titre de comparaison, un millimètre est égal à x10-3 mètres, le virus est donc environ 10 000 fois plus petit qu’un millimètre). Le spicule représenté dans le panneau (B) est environ dix fois plus petit que le virus, avec une hauteur de 17 nanomètres. Dans le panneau (C), le récepteur humain RBD a une hauteur de 11 nanomètres et la mutation N501Y a un diamètre d’environ 1 nanomètre (c’est un million de fois plus petit qu’un millimètre!). Il est étonnant qu’un si petit changement puisse avoir un effet aussi profond et que nous avons la possibilité de tester ces changements subtils.