La bonne biodiversité, soit une riche gamme de plantes et d’animaux dans une zone donnée, est normalement un excellent indicateur de la bonne santé d’un écosystème.
La perte de biodiversité en soi pourrait mener à des écosystèmes malsains. C’est un problème très préoccupant partout dans le monde, et vous serez peut-être surpris d’apprendre qu’il a aussi un effet sur un insecte aussi minuscule qu’un moustique. Les changements environnementaux peuvent modifier considérablement la population de certaines espèces de moustiques porteurs de maladies et donc, augmenter les risques d’exposition chez les humains.
La Dre Antoinette Ludwig, chercheuse scientifique, et son équipe du Laboratoire national de microbiologie (LNM), se penchent sur les maladies à transmission vectorielle, en menant des activités de surveillance environnementale proactive. Le but est de recueillir des données fiables sur les moustiques pour voir ce qu’ils ont à révéler sur les risques pour la santé humaine, surtout à des moments critiques de l’année comme l’été.
Les changement dans la biodiversité des moustiques : un phénomène en profonde mutation
Les scientifiques observent des changements dans la biodiversité des moustiques au Canada qui sont dus à des modifications de l’environnement et à l’utilisation des terres, notamment les changements climatiques, et l’expansion agricoles et urbaine. Ces modifications ont un impact sur l’écologie complexe des moustiques. La multiplication d’environnements plus avantageux pour une espèce en particulier peut en favoriser le développement, au détriment d’autres espèces moins bien adaptées.
Même le commerce international entrainerait une exposition à de «nouvelles» espèces de moustiques dans des régions où elles n’étaient pas présentes auparavant, ce qui peut compromettre l’équilibre de la biodiversité locale.
Les scientifiques et les chercheurs du gouvernement du Canada observent ces facteurs et constatent même une accélération des changements dans la biodiversité des moustiques.
Des moustiques porteurs de maladies au Canada
Les moustiques sont potentiellement porteurs et transmetteurs de virus qui constituent une menace pour les humains, les oiseaux et les mammifères. Des espèces particulières de moustiques sont responsables de la transmission de différents virus tels que le virus du Nil occidental, le virus de l’encéphalite équine de l’Est ou les virus du sérogroupe californien (virus du lièvre d’Amérique ou virus Jamestown Canyon).
En règle générale, ces virus ne provoquent pas de symptômes graves chez les humains. Toutefois, dans un faible pourcentage de cas, les symptômes peuvent être plus sévères et même entraîner la mort. Ceci est particulièrement vrai pour les populations les plus vulnérables : les personnes de plus de 70 ans, les enfants, les personnes dont l’immunité est réduite (comme les patients atteints de cancer) ou les personnes souffrant d’une maladie chronique (comme le diabète ou l’hypertension).
De la surveillance pour mieux comprendre et mieux voir venir les changements
Depuis 2017, la Dre Ludwig et les membres de son équipe étudient la biodiversité des moustiques dans l’est de l’Ontario et l’ouest du Québec. Ils se penchent sur la façon dont la population de chaque espèce de moustique évolue en fonction des conditions météorologiques et environnementales.
Aux deux semaines, pendant la saison des moustiques (généralement de la mi-mai à la mi-septembre), ils recueillent des moustiques à partir de plus de 80 emplacements, répartis dans des milieux variés.
L’équipe procède à l’identification de l’espèce des moustiques collectés. Elle envoie ensuite les moustiques au LNM de Winnipeg pour vérifier la présence de virus.
Une situation inquiétante
Les scientifiques ont découvert que, bien que l’activité virale (lorsque les moustiques sont porteurs de virus) soit faible à modérée dans la région, elle est persistante. Confirmant ainsi que la menace d’exposition des gens aux maladies transmises par les moustiques est bien réelle et qu’il est nécessaire de poursuivre les recherches.
Selon la Dre Ludwig, certaines espèces de moustiques susceptibles de transmettre des maladies aux humains et aux animaux semblent très bien s’adapter aux environnements transformés par les humains, notamment:
- les environnements urbains, comprenant des zones résidentielles où les arbres sont peu nombreux, des piscines mal entretenues ou des récipients (pots de fleurs, bocaux quelconques ou seaux), peuvent servir d’habitat de reproduction aux moustiques (tout endroit où l’eau stagnante peut persister pendant les périodes de reproduction);
- les environnements agricoles qui offrent beaucoup de sites de reproduction potentiels pour les moustiques comme les seaux ou des pneus abandonnés, et le réseau de drainage, etc.
« Selon ces observations, il est évident qu’un environnement façonné par les humains peut devenir un milieu de vie très accueillant pour la prolifération des moustiques. »
- Dre Antoinette Ludwig
Une collaboration essentielle pour obtenir une représentation détaillée du risque pour la santé humaine
Un hôte mammifère ou un oiseau est essentiel pour amorcer le cycle complet de transmission du virus aux humains. Car, pour transmettre le virus aux humains, le moustique doit d’abord avoir piqué un animal hôte porteur du virus.
Il est donc essentiel de bien comprendre l’évolution de la biodiversité des autres espèces intervenant dans le cycle de transmission, comme les oiseaux (merles d’Amérique, corneilles, moineaux, etc.) ou les mammifères sauvages (lapins, cerfs de Virginie, etc.).
Pour mener à bien cette tâche complexe, les chercheurs unissent leurs forces. C’est ce que fait la Dre Ludwig depuis 2017 au sein de l’Observatoire «Une seule Santé» et changements environnementaux, une initiative interministérielle menée par Agriculture et Agroalimentaire Canada, l’Agence de la santé publique du Canada et Environnement et Changement climatique Canada visant à étudier, en partie, les effets combinés du climat et de l’utilisation des terres sur les risques de maladie pour les humains, la faune et les animaux d’élevage et domestiques.
Cette collaboration interdisciplinaire amène une meilleure compréhension des impacts des changements environnementaux, incluant ceux créés par les humains, liés aux risques de maladies dans les milieux de travail et de vie au Canada.
Pour en savoir plus sur le virus du Nil occidental, une maladie transmise par les moustiques, consultez cette page.