La réduction de l’activité humaine est-elle bonne pour les oiseaux?

La crise sans précédent provoquée par la pandémie de COVID-19 a entraîné une diminution de l’activité humaine durant l’imposition de diverses restrictions provinciales. La chercheuse d’Environnement et Changement climatique Canada (ECCC) Nancy Mahony a collaboré avec de nombreux partenaires à une étude exhaustive menée par l’Université du Manitoba visant à déterminer si la réduction de l’activité humaine a eu une incidence sur les oiseaux. Elle a bien voulu nous parler de cette collaboration.

 

La pandémie est un enjeu sanitaire mondial qui continue de perturber le quotidien des Canadiens et des populations ailleurs dans le monde. Au cours d’une période où des restrictions provinciales liées à la COVID-19 étaient en vigueur et où les voyages et les déplacements quotidiens étaient moins fréquents, la chercheuse d’ECCC Nancy Mahony et ses collègues ont commencé à se demander quelle incidence la réduction de l’activité humaine a eue sur les espèces sauvages, comme les oiseaux. À quels endroits ces répercussions ont-elles été observées au Canada? Et quelles activités humaines en particulier influent sur la répartition des oiseaux?

 

Nancy a travaillé avec des collègues de l’Université du Manitoba, du Cornell Lab of Ornithology, des universités Dalhousie et Carleton et d’autres employés d’ECCC à une étude à grande échelle, qui a été publiée dans la revue scientifique Science Advances. Selon leurs travaux, 80 p. 100 des espèces d’oiseaux étudiées (66 espèces sur 82) ont présenté des changements dans leur abondance, surtout des hausses, dans les endroits où l’activité humaine a été réduite en raison des restrictions liées à la COVID-19, par exemple près des routes et des aéroports. Dans les paysages dominés par l’occupation humaine, il semble que les facteurs liés à l’intensité de la circulation déterminent la qualité de ces habitats pour les oiseaux.

Nancy et l’équipe ont pu utiliser eBird, une base de données électronique inestimable sur les observations d’oiseaux fondée sur la science citoyenne qui est gérée par le Cornell Lab of Ornithology. À l’aide d’eBird, l’équipe a été en mesure de colliger plus de quatre millions d’observations de 82 espèces d’oiseaux dans l’ensemble de l’Amérique du Nord. En examinant les mentions recueillies entre les mois de mars et mai de 2017 à 2020, l’équipe de chercheurs a pu comparer les observations d’oiseaux réalisées en 2020, pendant la pandémie, avec celles des périodes prépandémiques (2017-2019). L’équipe a concentré ses efforts sur les endroits caractérisés par une forte activité humaine, comme les aéroports, les routes principales et les zones urbaines où l’activité humaine est plus intense, et a comparé ces endroits avec les zones rurales.

Les oiseaux évitent les zones où la circulation est intense

Les résultats de l’étude ont été frappants. Au total, 80 p. 100 des oiseaux ont présenté des changements d’abondance dans les endroits où l’activité humaine a chuté et où la circulation a diminué. Ces résultats révèlent la gravité et l’ampleur des répercussions humaines sur les oiseaux. Selon Nancy, ce qui est intéressant, c’est que deux des groupes d’oiseaux qui ont réagi le plus fortement ont été les parulines et les bruants. « Le fait que nous ayons constaté une hausse de l’abondance de ces groupes d’espèces, qui ont subi un fort déclin au cours de la dernière décennie, semble indiquer qu’ils sont particulièrement sensibles aux facteurs liés à la mobilité humaine, et que cette dernière pourrait donc avoir des effets à long terme sur les populations d’oiseaux », explique-t-elle.

Ces travaux ont montré à Nancy à quel point nos comportements et notre mode de vie ont des répercussions sur les espèces sauvages. « Les décisions que nous prenons comme individus pour réduire notre empreinte carbone, y compris comment nous travaillons, où nous travaillons, comment nous effectuons nos déplacements quotidiens et à quelle fréquence nous prenons l’avion, pourraient aussi avoir des retombées positives sur les oiseaux, surtout sur les oiseaux qui ont décliné au cours des dernières décennies. » Ces résultats peuvent servir à éclairer la conception de nos routes, de nos réseaux de transport et de nos villes, et montrent qu’il est possible de concevoir des plans avantageux sur tous les fronts pour réduire les émissions de carbone et protéger les espèces sauvages.

Les prochaines étapes

Nancy et l’équipe de recherche de l’Université du Manitoba prévoient mettre à profit cette étude. D’autres études sont requises pour mieux comprendre les mécanismes qui régissent les tendances à grande échelle observées, par exemple, pour déterminer si la répartition des oiseaux est influencée par le bruit de la circulation et d’autres distractions visuelles. Selon Nancy, la collaboration avec les universités et d’autres partenaires permettra aux scientifiques d’ECCC de profiter de diverses expertises internes, de mobiliser l’ensemble du milieu scientifique et de fournir des avis scientifiques afin de soutenir la conservation des oiseaux migrateurs et la biodiversité partout au Canada.