Série scientifique sur l’Arctique : Surveillance de l’eau de mer dans l’Arctique

Ce troisième volet de notre série scientifique sur l’Arctique porte sur la surveillance communautaire de l’eau de mer à Nain, au Nunatsiavut, sur la côte du Labrador. Cette collaboration entre le Nunatsiavut Research Center et les chercheurs d’Environnement et Changement climatique Canada s’inscrit dans le cadre du Programme de lutte contre les contaminants dans le Nord.

Depuis le début des années 2000, les chercheurs d’Environnement et Changement climatique Canada étudient les contaminants dans l’Arctique dans le cadre du Programme de lutte contre les contaminants dans le Nord qui relève de Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada. Ces dernières années, la surveillance communautaire de l’eau de mer à Nain, au Nunatsiavut, a débuté comme projet conjoint entre les chercheurs d’Environnement et Changement climatique Canada et le gouvernement du Nunatsiavut.

Amber Gleason est une technicienne d’Environnement et Changement climatique Canada et travaille en étroite collaboration avec la chercheuse scientifique Jane Kirk. Elles étudient les niveaux de mercure, et de sa forme toxique appelée méthylmercure, dans l’eau de mer. « Le mercure se retrouve dans l’Arctique à partir de sources à longue distance », explique Amber. « Il est relâché par les émissions de certaines activités industrielles partout dans le monde, puis est ensuite transporté dans l’air jusqu’en Arctique et s’accumule dans l’eau de mer et les espèces sauvages. »

L’objectif de leurs recherches est d’élaborer un ensemble de données à long terme pouvant être utilisé pour évaluer les effets des changements climatiques sur les niveaux de contaminants dans l’eau de mer. « L’eau de mer est le point d’entrée des contaminants dans le réseau trophique marin », explique Jane. « En mettant sur pied un ensemble de données temporelles à long terme sur une série complète de contaminants, dont le mercure, ce projet peut être utilisé pour comprendre les répercussions de l’évolution de la glace, du pergélisol et de la neige, ainsi que d’autres changements dans l’environnement tels que le trafic maritime et l’activité industrielle. »

Ces travaux sont menés en étroite collaboration avec le gouvernement du Nunatsiavut, basé à Nain, où la communauté inuite est également préoccupée par les niveaux de contaminants dans l’eau où elle pratique la chasse et la pêche. Liz Pijogge est chercheuse sur les contaminants dans le Nord au Nunatsiavut Research Centre et vit à Nain. Liz apporte les connaissances locales et autochtones au projet de recherche. « Nous choisissons pour l’échantillonnage de l’eau des sites qui sont importants pour les populations locales sur le plan alimentaire », explique Liz. « Nous examinons les endroits où les gens pêchent l’omble chevalier ou chassent le phoque annelé. »

Nain est la collectivité la plus septentrionale de Terre-Neuve où la majorité des quelque 1 200 résidents sont des Inuits. Cet endroit isolé n’est accessible que par bateau et avion en été, et par avion et motoneige en hiver. Au cours d’une année normale, Amber se rend à Nain pour prélever des échantillons d’eau de mer juste avant la formation de la glace de mer en août ou en septembre. « C’est un endroit unique pour la recherche. Il faut beaucoup improviser en raison des conditions difficiles, comme du brouillard intense », déclare Amber. « C’est aussi un endroit très spécial. La première fois que j’y suis allée, j’ai été frappée par sa beauté pure. Les calottes glaciaires et les coquelicots arctiques, c’est saisissant. » Amber et Liz se déplaçaient en bateau afin de recueillir des échantillons dans plusieurs baies intérieures, puis et Amber les apportaient au Centre des eaux intérieures du Canada d’Environnement et Changement climatique Canada à Burlington, en Ontario, pour qu’ils soient analysés dans le laboratoire de Jane.

Lorsque la pandémie mondiale a commencé au début de 2020 et que les restrictions ont empêché Amber de se rendre à Nain, elles ont dû modifier leurs plans habituels. La stratégie de renforcement des capacités de ce projet a permis à Liz de poursuivre l’échantillonnage de l’eau de mer avec l’aide d’un conducteur de bateau local. « J’aime mon travail. Les Inuits sont des gens de terrain et j’ai l’occasion de le faire dans le cadre de ma profession », explique Liz. « J’apprends de nouvelles choses et je rencontre des gens formidables. J’aime savoir que je fais un travail qui permet de s’assurer que les aliments prélevés dans la nature peuvent être mangés en toute sécurité. »

Après l’analyse de l’échantillon d’eau de mer dans le laboratoire d’Environnement et Changement climatique Canada, Liz joue un rôle essentiel dans la communication des résultats de la recherche à la collectivité au moyen des médias sociaux et des événements communautaires. « Les niveaux de mercure et de méthylmercure, la forme toxique du mercure qui s’accumule dans les réseaux trophiques, sont légèrement inférieurs à ceux observés sur nos autres sites de surveillance, qui sont situés près de Resolute et de Cambridge Bay, au Nunavut, dans l’archipel Arctique », dit Jane. « Cependant, une surveillance à long terme est nécessaire pour comprendre les raisons des différences régionales que nous commençons à observer. »

Cette collaboration de recherche se poursuivra dans l’avenir afin de répondre aux besoins conjoints de garantir la sécurité alimentaire et de constituer un ensemble de données à long terme sur les niveaux de mercure dans l’eau de mer. « La beauté de Nain et le sentiment d’appartenance à la communauté me poussent à vouloir la préserver et la protéger », déclare Amber. « J’ai hâte d’y retourner. »