Les filovirus peuvent causer certaines des maladies les plus mortelles dans le monde, comme les maladies à virus Ebola, Soudan et Marburg. D’après l’Organisation mondiale de la Santé, les taux de létalité ont varié de 25 à 90 % au cours de précédentes flambées. C’est pourquoi il est essentiel de trouver des traitements et des diagnostics efficaces pour prévenir la propagation et les décès.
Les antibiotiques monoclonaux, qui peuvent neutraliser des virus pour écarter ou faire régresser les maladies, pourraient être la clé du développement de ces traitements vitaux.
Qu’est-ce qu’un anticorps monoclonal?
Le terme « monoclonal » est composé du préfixe « mono » pour « unique » et de l’adjectif « clonal » pour « clone » ou « copie ». Ce type d’anticorps est produit par les lymphocytes B (cellules qui sécrètent des anticorps) pour neutraliser les virus en se liant fortement à l’extérieur de ceux-ci pour les empêcher de pénétrer dans les cellules de notre corps.
Logan Banadyga, chercheur au Laboratoire national de microbiologie (LNM) de l’Agence de la santé publique du Canada, et son équipe génèrent des anticorps monoclonaux associés aux filovirus (qui sont à l’origine de fièvres hémorragiques, comme les maladies à virus Ebola, Soudan et Marburg). Pour ce faire, ils isolent un seul lymphocyte B et l’amplifient pour produire une grande quantité d’anticorps qui sont tous identiques et qui se lient au même pathogène. Les anticorps monoclonaux peuvent cibler le pathogène de façon bien précise, ce qui leur permet de prévenir ou de traiter efficacement des maladies. L’équipe teste également les anticorps contre des virus dans des laboratoires assurant le niveau de confinement le plus élevé.
Des travaux de recherche sont en cours au LNM pour identifier les anticorps monoclonaux qui ciblent plus d’un type de filovirus (beaucoup de filovirus ont été identifiés et au moins six d’entre eux causent des maladies chez les humains). Pour y parvenir, ils doivent déterminer les caractéristiques communes des filovirus afin qu’ils puissent être ciblés par le même anticorps monoclonal, ce qui s’apparente, selon M. Banadyga, à « chercher la seule pièce de casse-tête qui s’intègre à plusieurs casse-têtes différents. »
Le but ultime des scientifiques du LNM : développer des traitements qui peuvent neutraliser les filovirus contre lesquels il n’y a pas encore de vaccins ou de traitements approuvés. Tous ces virus sont suffisamment semblables qu’on pourrait trouver un anticorps monoclonal qui en reconnaît plus d’un. C’est important puisque des flambées de filovirus continuent de se produire, récemment avec le virus du Soudan en Ouganda et actuellement avec le virus Marburg en Guinée équatoriale et en Tanzanie.
« Les filovirus représentent une menace importante en Afrique, mais ils pourraient également être exportés au Canada et dans d’autres pays. Si nous arrivons à faire progresser l’élaboration de traitements, nous contribuerons non seulement à protéger la santé publique des populations africaines, mais aussi la santé publique mondiale », déclare M. Banadyga.
Nouvelles perspectives grâce à la collaboration
En plus de ses propres recherches, le LNM collabore également avec d’autres scientifiques pour étudier comment les anticorps monoclonaux peuvent aider à traiter les filovirus. M. Banadyga estime qu’il y a beaucoup à gagner en conjuguant les ressources et l’expertise.
« Travailler avec des personnes qui ont des compétences différentes vous donne de nouvelles perspectives auxquelles vous n’auriez pas été exposé autrement et contribue à faire avancer les projets de recherche d’une manière que nous n’aurions pas pu faire individuellement », déclare M. Banadyga.
L’une des principales collaborations auxquelles participe le LNM est dirigée par Erica Ollmann Saphire avec l’Institut d’immunologie La Jolla à San Diego et financée par les National Institutes of Health (Instituts nationaux de la santé) des États-Unis. La contribution du LNM au projet consiste à utiliser des anticorps monoclonaux générés par d’autres laboratoires à partir de filovirus et à les évaluer par la suite sur des modèles animaux, car le LNM possède une grande expérience dans la réalisation de ce type d’études. En effet, certains chercheurs du LNM sont des sommités mondiales en matière de mise au point de modèles animaux nécessaires à la recherche préclinique. Pourquoi est-ce important? Parce que les chercheurs doivent tester les nouveaux traitements dans un modèle animal avant de commencer les essais cliniques chez l’homme.
M. Banadyga croit que l’établissement de ce partenariat est une réussite notable, grâce aux contributions de scientifiques de premier plan issus de différentes institutions à travers le monde. « C’est un honneur pour nous de participer à ce projet et de démontrer la valeur de notre expertise sur la scène internationale », déclare-t-il.
Le LNM a également établi un partenariat avec Sarah Wootton, de l’Université de Guelph, qui consiste à utiliser des anticorps monoclonaux comme traitement préventif des filovirus, le corps étant utilisé comme « bioréacteur » pour produire des anticorps. Pour ce faire, les séquences génétiques des anticorps monoclonaux sont introduites dans une particule de type viral qui transmet l’information génétique aux cellules musculaires de l’organisme au moyen d’une injection. Les muscles interprètent l’information génétique et commencent à produire l’anticorps et à protéger contre la maladie. Ce traitement présente l’avantage de pouvoir produire des quantités élevées et durables d’anticorps et d’être relativement peu coûteux. Le LNM participe à l’évaluation de cette méthode d’administration sur des modèles animaux et les résultats sont pour l’instant prometteurs.
En outre, le LNM collabore avec l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) pour créer des tests et bandelettes utilisant des anticorps capables de diagnostiquer les infections à filovirus. Ming Yang, de l’ACIA, est expérimentée dans le développement de tests en bandelettes, et le LNM s’appuie sur son expertise pour les mettre à l’essai avec des anticorps qu’il a générés. Ces tests, qui peuvent être réalisés rapidement et facilement en dehors d’un laboratoire de diagnostic par des personnes qui ne sont pas des experts médicaux, seraient des outils précieux dans les situations de terrain où les résultats des tests doivent être obtenus rapidement pour aider à contenir les éclosions.
Le succès de ces collaborations a laissé M. Banadyga optimiste quant aux avancées futures dans la recherche de traitements et de vaccins contre les filovirus. « Nous avons la chance de faire partie d’une équipe de scientifiques très qualifiés et d’appartenir à une société qui valorise suffisamment la science pour nous donner les moyens de chercher à guérir et à traiter les virus. C’est un privilège de mener des recherches scientifiques », conclut-il.