Surveillance de la grippe aviaire

13 juillet 2023

 

Lorsque la grippe (ou influenza) aviaire fait la une des journaux, les articles s’accompagnent souvent de titres alarmants soulignant la nature hautement infectieuse de certaines souches et leur capacité à provoquer des maladies graves. La flambée actuelle d’influenza aviaire hautement pathogène (IAHP) de sous-type H5N1 a fait les gros titres à l’échelle mondiale, faisant état de sa propagation dans le monde entier, qui a causé la mort de dizaines d’oiseaux domestiques et sauvages. Le virus H5N1 s’est également propagé aux mammifères, provoquant des infections mortelles chez les moufettes, les renards, les ratons laveurs et les chats errants.

La situation fait craindre que le virus continue d’évoluer jusqu’à ce qu’il se transmette de personne à personne, ce qui pourrait entraîner des épidémies, voire une pandémie.

Si le risque pour l’humain demeure faible, les scientifiques du Laboratoire national de microbiologie (LNM) de l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC) et leurs partenaires suivent de près les souches de H5N1 circulant dans la faune canadienne. Ils s’efforcent d’éclairer la prise de décisions en santé publique et de mieux comprendre l’évolution du virus et le risque qu’il présente pour la population du Canada et du monde entier. Les scientifiques étudient également le virus H5N1 pour orienter la mise au point de tests, de vaccins et de traitements.

Qu’est-ce que la grippe aviaire?

La grippe aviaire est un type de grippe qui se déclare chez les oiseaux. Certaines souches du virus peuvent infecter les mammifères, y compris les humains. Les cas de grippe aviaire chez l’humain sont rares; aucun cas de grippe aviaire d’origine domestique n’a été rapporté au Canada. Les cas chez l’humain observés dans le monde ont été causés par un contact direct avec des oiseaux infectés, le plus souvent dans des élevages. Malheureusement, le taux de mortalité chez l’humain peut être très élevé, soit plus de 50 % pour certaines souches de grippe aviaire, dont le H5N1.

Une étude révèle une augmentation de la transmissibilité du virus H5N1 entre mammifères

Des scientifiques du LNM, du Centre national des maladies animales exotiques (CNMAE) de l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) et de l’Institut de recherche Sunnybrook ont récemment effectué une étude sur des modèles animaux afin d’examiner la sévérité et la transmissibilité de quatre souches de H5N1 circulant au Canada. Le LNM et le CNMAE se trouvent dans le Centre scientifique canadien de santé humaine et animale, à Winnipeg, et disposent tous deux de laboratoires de niveau de confinement élevé.

Darwyn Kobasa, chercheur principal au LNM, est un spécialiste de la recherche sur l’influenza et de l’étude des virus pouvant entraîner des conséquences graves, comme le virus de la grippe aviaire.

« L’un des aspects les plus importants de notre travail en santé publique est d’alerter rapidement les autorités sur ce qui se passe, indique M. Kobasa. Il faut rester vigilant face à ces tendances émergentes. C’est pourquoi nous étudions le mode de transmission du virus afin d’avoir une idée de l’importance du risque de transmission à l’humain. »

Pour cette étude en particulier, des échantillons contenant le virus H5N1 prélevés sur des animaux domestiques et sauvages au Canada ont été envoyés au CNMAE aux fins d’analyse. Les scientifiques du Centre ont recherché dans les échantillons des marqueurs indiquant que le virus s’adapte et qu’il est plus susceptible d’infecter les mammifères.

« Cette étude menée en collaboration nous permet de mieux comprendre comment le virus mute et évolue après sa propagation des espèces aviaires aux mammifères, indique Yohannes Berhane, chef de l’Unité des maladies aviaires du CNMAE de l’ACIA. On observe déjà des changements dans le génome de certaines souches qui leur permettent de se répliquer dans les cellules des mammifères et de se propager plus facilement entre les animaux. Les scientifiques et les experts en santé publique ont ainsi une idée de la manière d’atténuer plus efficacement les risques associés au virus et savent mieux sur quoi axer les prochaines recherches. »

Après avoir été analysés au CNMAE, les échantillons ont été envoyés au LNM pour qu’il évalue le risque de pandémie que ces virus pourraient poser en effectuant d’autres études d’évaluation des risques sur divers modèles animaux en laboratoire. Ces études visaient à déterminer la facilité avec laquelle le virus H5N1 peut se répliquer dans les cellules des voies respiratoires humaines ainsi qu’à évaluer la transmissibilité potentielle du virus en utilisant des animaux de laboratoire tels que des furets. Les furets sont idéals, car leur appareil respiratoire ressemble à celui des humains. Les virus de l’influenza présentent donc une progression de l’infection similaire à celle observée chez l’humain. Les chercheurs ont constaté que l’une des souches de H5N1 étudiées se propageait facilement par contact direct entre mammifères et causait des cas graves chez les furets. Il s’agit de la première étude démontrant la transmission de mammifère à mammifère dans un contexte de laboratoire.

« Ce modèle expérimental de transmission montre une augmentation de la capacité du virus à se transmettre efficacement entre mammifères », explique M. Kobasa.

L’une des souches prélevées sur une buse à queue rousse en Ontario s’est révélée particulièrement virulente et transmissible, c’est-à-dire qu’elle a provoqué des cas graves et qu’elle s’est propagée facilement aux compagnons de cage. Des recherches plus poussées seront nécessaires pour mieux comprendre ce type de transmission dans un contexte de vie réelle. L’étude s’est également penchée sur la possibilité de transmission par voie aérienne, mais les résultats ont été peu concluants.

Si les résultats de l’étude sont remarquables et appellent une vigilance accrue, le risque pour la population reste faible. Néanmoins, les personnes qui sont en contact étroit avec des oiseaux ou des mammifères infectés et leurs environnements font face à un risque plus élevé d’infection.

Surveillance et planification en cas de pandémie

Le LNM évalue actuellement si des vaccins et des antiviraux connus ou nouveaux permettraient de prévenir et de traiter l’infection par le virus H5N1. De plus, il analyse avec des partenaires universitaires des vaccins et des traitements potentiels.

Le LNM et l’ACIA continueront de collaborer à l’analyse d’échantillons et de surveiller le comportement du virus dans la nature, chez la volaille d’élevage et chez d’autres animaux. « Nous avons élaboré des approches complémentaires pour aborder des problèmes de santé publique tels que celui-ci. Le fait d’être dans le même immeuble et d’avoir des relations de travail bien établies nous permet de réagir rapidement et efficacement », déclare M. Kobasa.

La situation au Canada et ailleurs dans le monde change constamment et les scientifiques continueront à suivre l’évolution du virus H5N1. « La communauté scientifique mondiale est consciente de l’importance de ces travaux et de la différence qu’ils peuvent faire pour se préparer à une éventualité », affirme M. Kobasa.