Prendre le pouls de la bactérie Listeria

En 2008, le Canada a connu l’une des plus importantes éclosions de maladies d’origine alimentaire de son histoire récente. Quelle en était la cause? La bactérie Listeria.

M. Franco Pagotto (Ph. D.), chercheur scientifique et codirecteur du Service de référence pour la listériose au Canada, se souvient : « Nous avons travaillé en étroite collaboration avec Santé publique Ontario pour dépister la maladie, avec l’Agence canadienne d’inspection des aliments pour tester les désinfectants utilisés pour nettoyer l’établissement, et avec l’Agence de la santé publique du Canada qui a dirigé le séquençage du génome de l’agent pathogène. » Pendant ce temps, malheureusement, une deuxième éclosion de maladie d’origine alimentaire a fait rage. Les chercheurs de Santé Canada ont examiné les souches des agents pathogènes de chaque éclosion afin de distinguer leurs causes respectives. Finalement, de nombreuses pratiques exemplaires ont été mises en œuvre pour éviter une autre éclosion.

Mais… qu’est-ce que la Listeria exactement?

La bactérie Listeria

La Listeria se trouve partout dans le sol, les eaux usées et l’eau non traitée. Il peut également y en avoir dans des aliments tels que le poisson, la viande, les fruits de mer, les fruits et légumes, et les produits laitiers. La listériose est une maladie d’origine alimentaire qui peut se contracter par la consommation d’aliments ou d’eau contaminés, par le contact avec des animaux infectés ou par transmission de la mère au bébé pendant la grossesse. Même si les modes de propagation de la maladie sont variés, seulement 130 cas environ ont été signalés annuellement au Canada ces dernières années. Ceci est dû en partie au travail de M. Pagotto au Service de référence pour la listériose.

Le laboratoire, qui participe aux enquêtes sur les éclosions et aide à en déterminer la source, a recours à l’épidémiologie moléculaire. C’est comme si l’on prenait l’empreinte digitale d’un agent pathogène. Tous les agents pathogènes ont leurs propres caractéristiques, et les chercheurs peuvent comparer cette empreinte à celles des personnes contaminées. Si les empreintes correspondent, on peut trouver des éléments communs entre les individus et remonter à la cause de l’éclosion. Par exemple, si une douzaine d’individus partageant la même empreinte pathogène ont mangé le même produit alimentaire, on peut supposer que ce produit est sans doute à l’origine de l’éclosion. Cette supposition peut être confirmée en laboratoire. Les résultats sont mis en commun via PulseNet Canada, une base de données canadienne alimentée par les laboratoires de santé publique des dix provinces, l’Agence de la santé publique du Canada et Santé Canada. Les données sont également diffusées à la communauté internationale afin de permettre le suivi des agents pathogènes à l’échelle mondiale.

Cependant, ce n’est pas aussi simple. Si la plupart des agents pathogènes ont une période d’incubation d’environ 4 à 20 heures, les symptômes de la listériose peuvent apparaître jusqu’à 70 jours après l’exposition, ce qui rend particulièrement difficile la détermination de la source de l’éclosion. M. Pagotto explique : « Nous essayons de comprendre pourquoi un produit alimentaire est contaminé en nous posant trois questions. Est-ce le produit lui-même? Est-ce la façon dont il est fabriqué? Ou est-ce la façon dont il est conservé? » Autrement dit, il faut examiner où un aliment a été cultivé, comment il a été contaminé par la Listeria et comment l’agent pathogène a persisté. En répondant à ces questions, M. Pagotto peut mieux comprendre l’agent pathogène et contribuer à l’élaboration de politiques et de lignes directrices qui aident à protéger la santé et la sécurité des Canadiens.

Et nous?

La Listeria est-elle encore un problème aujourd’hui? Tout à fait, dit M. Pagotto. La Listeria se trouve généralement dans les charcuteries, les fromages non pasteurisés et le saumon fumé, mais elle a récemment été découverte dans des produits de légumes congelés. Contrairement à la plupart des bactéries, la Listeria peut survivre et parfois se développer sur les aliments conservés au réfrigérateur. C’est pourquoi la cuisson adéquate des aliments et le lavage fréquent des mains comptent parmi les meilleurs moyens de réduire les risques. Les personnes dont le système immunitaire est affaibli, les personnes âgées de plus de 60 ans et les personnes enceintes sont particulièrement à risque et doivent également éviter de consommer certains aliments. Si vous pensez avoir été exposé à la Listeria, communiquez avec votre fournisseur de soins de santé. Prenez des notes sur vos habitudes de consommation alimentaire, notamment les types et les marques d’aliments, ainsi que sur vos voyages et votre consommation de cannabis. En attendant, M. Pagotto poursuit son travail assidu sur la Listeria : « Nous devons rester vigilants. Les produits sont sûrs, et je m’efforce de les garder ainsi et de les rendre encore plus sûrs. »